Loi contre la discrimination capillaire : le salarié peut-il faire ce qu’il veut avec ses cheveux ?

Le 28 mars 2024, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à condamner la discrimination capillaire. Elodie Zieba, juriste en droit social au Medef de Haute-Garonne, nous détaille cette loi qui concerne au premier chef les entreprises.

Elodie Zieba, juriste en droit social au sein du Medef de Haute-Garonne, explique en détail la loi condamnant toute discrimination capillaire. (Photo : Medef de Haute-Garonne)

Elodie Zieba, juriste en droit social au sein du Medef de Haute-Garonne, explique en détail la loi condamnant toute discrimination capillaire. (Photo : Medef de Haute-Garonne)

Le 28 mars 2024 l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à condamner la discrimination capillaire. Cette proposition de loi a pour but de sanctionner l’employeur qui adopterait un comportement discriminatoire (refus d’embauche, sanction, absence de promotion, licenciement) vis-à-vis d’une salarié en raison de « la coupe, la couleur, la longueur ou la texture »  de ses cheveux.

Une intention louable, mais...

Il semblerait que cette loi ait été adoptée dans un contexte spécifique, et notamment pour faire face à la discrimination touchant les salariés aux cheveux bouclés ou crépus, forcés de traiter leur cheveux chimiquement pour les lisser, ou de porter une perruque, ce qui est louable.

Néanmoins, cette situation interroge… Était-il nécessaire de rajouter une nouvelle couche au mille-feuille indigeste que constitue l’article L1132-1 du code du travail, et qui punit déjà un nombre important de cas de discrimination ? (12 lignes tout de même)*. En effet, cet article interdisait déjà les mesures discriminatoires en raison de l’origine de la personne, de son orientation sexuelle, de l’exercice d’un mandat électif, de sa qualité de lanceur d’alerte... Cet article prévoyait notamment, et depuis une vingtaine d’années, l’interdiction des discriminations en raison de l’apparence physique de la personne. Sur le sujet spécifique des cheveux, la jurisprudence est plutôt rare, mais existe bel et bien.

Quelle atteinte aux droits des salariés ?

Comme souvent en matière de discrimination, la question est de savoir si l’atteinte aux droits du salarié (le droit de se coiffer comme il le veut) est justifiée par la défense des intérêts de l’entreprise, et proportionnée. C’est toujours le cas en matière d’hygiène ou de sécurité, mais plus subtil quand le salarié doit revoir sa coiffure pour des raisons moins objectives, comme l’image de l’entreprise par exemple.

Ainsi :

  • Il a été jugé que l’employeur était en droit de demander à un employé de banque, à la chevelure rasée surmontée d’une crête iroquoise, de revenir à une coiffure plus discrète
  • Il a été jugé disproportionné le refus de promotion d’un attaché commercial qui refusait de se couper sa queue de cheval.

Pourquoi une nouvelle loi ?

On peut donc s’interroger : pourquoi une nouvelle loi, alors qu’il existe déjà des textes pouvant traiter ce type de discrimination ? La seule façon pour un employeur de combattre devant la justice une accusation de discrimination est de prouver qu’il a pris sa décision non pas en raison de la personne du salarié, mais en raison de critères objectifs.

En cas d’embauche ou de promotion, il est en effet fortement conseillé de se baser sur des critères objectifs (diplôme, ancienneté, savoir-être…) et de pouvoir en justifier si besoin.

Dès lors, amis employeurs, si vous écartez un candidat au crâne rasé ou une candidate à la chevelure blond platine d’une embauche, attention de pouvoir justifier pourquoi… 

* Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

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