Nicolas Dufourcq : "Bpifrance est une boîte à outils de banque d'entrepreneur unique au monde"

Lundi 29 avril 2024, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, était à Rodez pour inaugurer la nouvelle antenne locale qui couvre l'Aveyron, le Tarn et le Lot. Pour Entreprises Occitanie, il revient sur le bilan de la Bpifrance depuis sa création et sur les projets menés par la banque publique d'investissement.

Pour Nicolas Dufourcq, Bpifrance "est devenue une banque populaire, celle de la créativité et de la fécondité". (Photo : Anthony Assémat - Entreprises Occitanie)

Pour Nicolas Dufourcq, Bpifrance "est devenue une banque populaire, celle de la créativité et de la fécondité". (Photo : Anthony Assémat - Entreprises Occitanie)

Année record pour Bpifrance ! En 2023, la Banque publique d'investissement, véritable bras armé de l'Etat pour le financement des entreprises, a battu son record de soutien à l'innovation avec 9,4 milliards d'euros, soit plus du double par rapport à 2022 (+110%). Des chiffres qui font de Bpifrance le N°1 en Europe et le N°2 dans le monde en nombre d'investissements en private equity.

Lundi 29 avril 2024, Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance, était à Rodez pour inaugurer les locaux de la nouvelle délégation territoriale Aveyron-Lot-Tarn, dirigée par Cédric Calvez, la 51e antenne nationale et la 4e en Occitanie après Toulouse (Haute-Garonne), Montpellier (Hérault) et Perpignan (Pyrénées-Orientales). Celui qui a dirigé il y a plusieurs années une PME industrielle à Souillac (Lot) évoque, pour Entreprises Occitanie, le bilan des plus de dix ans de Bpifrance (qui avait pris le relais d'Oseo fin 2012), la place de l'Occitanie et les projets de la structure d'investissement. 

"La BPI s'est installée dans le paysage"

Entreprises Occitanie. Quel bilan faites-vous de ces plus de dix ans de Bpifrance ?

Nicolas Dufourcq. La BPI s'est installée dans le paysage des entreprises et le bilan d'impact montre clairement ce que nous avons accompli. La banque a beaucoup grandi et beaucoup progressé et c'est aujourd'hui une boîte à outils de banque d'entrepreneur unique, la plus profonde du monde. Un chiffre symbolise cette activité : en 10 ans, nous avons contribué à la création de 2000 ETI en France. La création de la BPI a coïncidé avec la prise de conscience de la désindustrialisation. L'idée d'une Banque de l'industrie était aussi dans les tuyaux à cette époque. La réindustrialisation du pays s'est observée en 2015-2016, époque où l'on ouvrait plus d'usines que l'on en fermait. 

Deux plans majeurs ont été lancés par la suite : le plan Deeptech et celui sur les start-up industrielles. La montée en puissance des appels à projets sectoriels et l'accélération du déploiement des nouveaux dispositifs en faveur de l'industrie ont été boostés par France Relance et France 2030, après le Covid. L'industrie représente par exemple 25% de nos crédits et 60% de notre portefeuille en fonds propres.

"L'arrivée de Bpifrance a également fait émerger un écosystème autour de l'entrepreneuriat, ce qui n'était pas forcément attendu par le législateur en 2012 ! La French Tech n'existait pas, elle est venue en supplément. Il y a dix ans, nous étions dans une période de découragement. Aujourd'hui, le monde de l'entreprise a la pêche et l'institution qui lui insuffle cette dynamique est Bpifrance".

Aux côtés de Nicolas Dufourcq, l'équipe régionale de Bpifrance et les élus locaux étaient présents à l'inauguration de la délégation territoriale Aveyron-Lot-Tarn à Rodez (Aveyron), lundi 29 avril 2024. (Photo : Bpifrance)
Aux côtés de Nicolas Dufourcq, l'équipe régionale de Bpifrance et les élus locaux étaient présents à l'inauguration de la délégation territoriale Aveyron-Lot-Tarn à Rodez (Aveyron), lundi 29 avril 2024. (Photo : Bpifrance)

EO. Quelle place occupe l'Occitanie dans ces résultats ? Est-elle un moteur pour la France ?

ND. Cette région a une vieille tradition industrielle : elle représente 30% du PIB, c'est considérable. L'Occitanie est pour nous fondamentale sur des sujets tels que la réindustrialisation et la décarbonation. En 10 ans, de 2012 à 2022, 44 100 entreprises ont été financées et accompagnées pour un montant de 17 milliards d'euros. 24% de ces financements concernent le secteur industriel et 160 diagnostics de décarbonation ont été menés en 2023 pour 47 millions d'euros de financement. Et de nombreux projets sont en cours dans la région comme le développement de Genvia à Béziers (Hérault), de Hyd'Occ à Port-la-Nouvelle (Aude) ou de l'usine Ipsophène à Toulouse (Haute-Garonne).

Lors de la création de l'antenne régionale de Bpifrance, Martin Malvy (l'ancien président de la Région Midi-Pyrénées de 1998 à 2025, ndlr) a joué un rôle important. Pour l'anecdote, ma première rencontre avec lui remonte à 1993 quand il était ministre du Budget ! 

EO. Bpifrance est connue dans le monde économique. Prévoyez-vous une communication plus spécifique envers le grand public pour montrer vos actions en faveur de l'économie occitane et française ?

ND. Avec les PGE (Prêts garantis par l'Etat), 700 000 personnes ont découvert Bpifrance. Nous sommes devenus une banque populaire, celle de la créativité et de la fécondité. Nous parlons aux gens aujourd'hui, et les entreprises doivent parler aux Français. En 2022, nous avons créé Big Média où nous parlons d'histoires d'entreprises.

"France 2030 est à son apogée"

EO. Au moment où le gouvernement cherche des pistes d'économies, allez-vous être impactés alors que Bpifrance a soutenu plus de 5400 entreprises en Occitanie en 2023 à hauteur de 1,9 milliard d'euros, dont 365 millions dans le cadre de France 2030 ?

ND. Au niveau de Bpifrance, le programme France 2030 est à son apogée et il n'existe pas de plan France 2035 ou France 2040. Donc il y aura une réduction mécanique.

"En revanche, il n'est pas prévu de coupures de crédits pour le socle de financement de l'innovation. Sur les 10 milliards d'euros d'économies envisagés par l'Etat, Bercy nous demande une économie de 40 millions d'euros. Nous sommes relativement préservés".

EO. Quel est l'avenir de la structure et quels sont les projets pour 2024 ?

ND. Nous n'allons pas ajouter de nouveaux métiers mais nous adapter nos dispositifs aux usages correspondants. Côté financements, nous allons lancer une mobilisation des créances nées à l'étranger et poursuivre la conquête territoriale à travers ce que l'on appelle "le porte-à-porte de masse" à la rencontre des entreprises. Nous suivons une PME sur trois et on veut atteindre le chiffre de 50% d'ici cinq ans. Nous voulons également couvrir 70% des PME industrielles, contre 50% aujourd'hui.

Le rôle de Bpifrance est d'être aux côtés des entreprises concernant les ruptures technologiques, dans le cloud, la cybersécurité, le quantique, l'IA... Les outils sont là et notre objectif est de passer à l'échelle avec des entreprises solides, sans forcément tabler sur un chiffre précis de licornes, par exemple.

L'autre sujet de 2024, c'est la façon de sécuriser les commandes et de compenser les failles de marché afin de passer de la start-up à un modèle installé. Notre rôle est d'abaisser les haies pour les entreprises à travers nos conseils et notre financement. A ce sujet, nous lancerons à l'occasion du salon VivaTech (du 22 au 25 mai 2024 à Paris) une offre de diagnostic autour de la cybersécurité.

A lire aussi