
Emile Noyer, président de la FBTP31.
La construction fait partie des secteurs d’activité qui ont dû s’arrêter net à l’annonce du confinement. Plus de deux semaines après le début de la crise, le 2 avril, l’édition officielle d’un guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction a permis un redémarrage progressif. Emile Noyer commente cette reprise complexe et en pointillés qui n’atteint que 30 à 40 % de l’activité fin avril. Sur le plan économique, le président de la Fédération FBTP 31 s’attend à de sérieuses difficultés pour beaucoup d’entreprises du bâtiment et de la construction.
Etes-vous satisfait du guide de préconisations de sécurité sanitaire qui est sorti début avril ?
Ce guide nous permet de reprendre progressivement l’activité, en gardant l’assurance de pouvoir préserver la santé de nos salariés, sujet essentiel à nos yeux.
Il a fallu dix jours pour réaliser ce document. Cela a été complexe ?
Cela a pris effectivement beaucoup de temps pour sa réalisation, je rappelle que notre secteur intègre un très grand nombre de métiers et les situations de chantiers sont très diverses. De façon générale, dans le bâtiment, il y a toujours beaucoup de coactivité. Prenez le gros œuvre, par exemple, le travail se fait essentiellement au travers d’équipes de 5 à 6 compagnons. Ce guide est resté bloqué auprès des ministères du travail et de la santé et des solidarités durant 10 jours sur des thèmes aussi essentiels que la responsabilité du maitre de l’ouvrage, la distance à respecter entre les salariés, le port du masque ou la présence d’apprentis sur les chantiers. Je rappelle que les fédérations et organisations professionnelles, mais aussi les syndicats de salariés, avec l’appui de médecins du travail ont participé à la réflexion sur les conditions de sécurité dans notre secteur. C’est l’OPPBTP, Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics, organisme paritaire, qui s’est chargé de la rédaction du guide. Toutes les consignes sont détaillées, pour chaque étape allant du transport des salariés, des conditions de vie et d’hygiène sur chantier à l’exécution des tâches. Les entreprises doivent nommer un référent Covid, s’équiper mais aussi former leurs salariés aux gestes barrière.
Quelles sont les conditions principales pour qu’un chantier puisse reprendre ?
Je vois deux principales conditions. La première, c’est de posséder les équipements de sécurité nécessaires : gel hydro-alcoolique, gants, masques. La deuxième est la capacité à réorganiser un chantier en amenant moins de personnes en même temps sur place, de façon à éviter les co-activités.
On remarque que les premiers chantiers publics qui ont démarré à Toulouse sont des travaux publics, sur des voieries : il y a moins de personnes sur ces chantiers, les rues sont vides, et on utilise surtout beaucoup de machines. Mais les collectivités étudient dès à présent la reprise d’autres programmes de construction, y compris des logements.
Comment la fédération a-t-elle aidé les entreprises à s’équiper de ces éléments de protection sanitaires ?
Nous avons fait une commande de 350 000 masques pour le compte des adhérents de la FBTP31 qui en ont fait la demande. Cette première grande quantité devrait leur permettre de tenir jusqu’à fin mai.
Après un début de crise stressant, quel est l’état d’esprit des chefs d’entreprise aujourd’hui ?
Nos entreprises veulent toutes reprendre l’activité. Il y a toujours des inquiétudes liées à leur responsabilité sur la santé de leurs salariés mais ils ont maintenant les outils pour s’organiser. L’inquiétude est toujours là mais les problèmes sont maintenant tournés vers la situation économique et financière des entreprises : les reports de charges sociales et fiscales ainsi que le recours au PGE reculent le problème. Mais les entreprises, petites ou grandes, ont besoin d’un certain montant de trésorerie pour faire face à la chute de productivité et la baisse d’activité qui s’annonce aux lendemains de la crise.
Ne faudrait-il considérer un non-remboursement de charges ?
L’arrêt total d’activité (je rappelle que 88,5 % des entreprises ont été à l’arrêt en mars) revient à l’absence de chiffre d’affaires. Comment peut-on rattraper cette situation compte tenu de la faible rentabilité du secteur et des incertitudes sur la suite ? Comme pour des secteurs tels que la restauration ou l’événementiel, l’idéal serait que ces charges soient annulées.
La baisse de la productivité va entraîner des surcoûts. Qui payera ?
Effectivement, avec la baisse de productivité, il faut s’attendre à des délais prolongés et donc à des surcoûts. Qui prendra en charge ces surcoûts ? la question reste ouverte mais la réponse devra être juste et supportable. Après la priorité aux conditions de travail des salariés, nous nous attaquons à ce sujet et nous démarrons des discussions avec les collectivités, le département, les bailleurs sociaux, et les promoteurs. Pour le moment rien n’a été arrêté.
Le bâtiment est le poumon de l’économie mais la reprise du secteur s’annonce difficile. Comment voyez-vous les prochains mois ?
Nous sommes préoccupés par les effets économiques de cette crise inédite. C’est un vrai choc. Il faut s’attendre à des pertes de chiffre d’affaires importantes et de fortes tensions sur les trésoreries des entreprises. Nous avons pu apprécier les mesures du gouvernement comme les reports de paiement de charges, de remboursement des emprunts, etc. Mais pour beaucoup, ce sera difficile de se remettre de telles pertes de revenus. Et on le sait, des commandes vont s’annuler, des permis vont être reportés…