Kézako, le partage de la valeur ? Ce qui va changer pour les salariés dans nos entreprises

Afin d’améliorer la rémunération des salariés dans un contexte d’inflation, les ministères de l’Economie et du Travail ont précisé le calendrier et la traduction législative de l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur. Explication.

Attention : la prime de partage de la valeur ne peut se substituer à aucun élément de rémunération, à aucune augmentation de rémunération ni à une prime prévue par convention collective, accord salarial ou par le contrat de travail ou encore par un usage en vigueur dans l’entreprise. (Photo d'illustration : Pixabay)

Attention : la prime de partage de la valeur ne peut se substituer à aucun élément de rémunération, à aucune augmentation de rémunération ni à une prime prévue par convention collective, accord salarial ou par le contrat de travail ou encore par un usage en vigueur dans l’entreprise. (Photo d'illustration : Pixabay)

Avec le contexte inflationniste actuel, la répartition de la valeur dans l'entreprise est plus que jamais d’actualité. L’accord interprofessionnel sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise vise à améliorer et généraliser les dispositifs d’intéressement ou de participation pour les salariés, et ainsi améliorer leur rémunération dans un contexte de flambée des prix. Ainsi, un projet de loi sera présenté au Conseil des ministres à la fin du mois de mai 2023 en vue d’un examen au parlement durant cet été.

Les grandes lignes de ce texte

« L'accord national interpro comportait un certain nombre de dispositions mais toutes n'ont pas forcément vocation à être transposées puisque certaines dispositions ont un caractère informatif : mettre en avant les bonnes pratiques, par exemple », précise-t-on du côté des ministères de l'Economie et du Travail.

Ce texte proposé comprend une quinzaine d'articles correspondant à la reprise de l’accord national interprofessionnel dans la loi. Quatre grands axes composent ce texte : le renforcement du dialogue social sur les classifications, facilitation de la généralisation des dispositifs de partage de la valeur, la simplification de la mise en place des dispositifs de partage de valeurs et enfin le développement de l'actionnariat salarié.

Deux dispositifs expérimentaux

Plus précisément, pour la première articulation, il s’agit de la transposition des dispositions qui prévoit l'obligation de négocier d’ici le 31 décembre 2023 pour les branches sur la nécessité de réviser les classifications pour celles d'entre elles qui n'ont pas procédé à un examen depuis 5 ans. Concernant la deuxième articulation, c'est de faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur avec, en son sein, deux dispositifs expérimentaux.

« Durant 5 ans et pour les entreprises de moins de 50 salariés, le premier permet de négocier avec les branches sur les dispositifs de participation facultative avec la possibilité de déroger à la formule légale de participation », explique-t-on au gouvernement. En 2019, 3% des entreprises de 10 à 49 salariés ont distribué les primes de participation contre 8,5 % pour l'ensemble des entreprises. « Le deuxième dispositif expérimental, toujours pendant 5 ans, concerne la mise en place obligatoire d’un dispositif de partage de la valeur pour les sociétés qui réalisent un bénéfice net au moins égal à 1 % de leur chiffre d'affaires durant trois années consécutives », poursuivent les cabinets de Bruno le Maire et d'Olivier Dussopt.

L'employeur définira ce qu'est un "bénéfice exceptionnel"

Un troisième dispositif, plus technique, vise à tenir compte des conséquences du franchissement d'un seuil - en l'occurrence le seuil de 50 salariés - pour permettre finalement à l'entreprise de mettre en place un dispositif de participation. Bien évidemment, l’entreprise doit déjà avoir un accord d'intéressement.

« Pour les entreprises de plus de 50 salariés, une obligation de négocier sera mise en place sur les conséquences d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice de l’entreprise. Conformément à l'accord national interprofessionnel, c'est l'employeur qui est chargé de définir ce qu'est un bénéfice exceptionnel », expliquent les deux cabinets.  

Si le texte est adopté, il sera possible d'octroyer deux primes de partage de la valeur dans l'année dans la limite du plafond actuel (3000 ou 6000 € en cas de signature d'un accord d'intéressement). De plus, cette prime de partage de la valeur peut être placée dans un plan d'épargne entreprise. «il existe une exonération fiscale plafonnée en augmentant le partage de la valeur dans la limite du montant maximal de la prime » précisent-ils. À noter toutefois que, même exonérée, la prime est incluse dans le montant du revenu fiscal de référence du bénéficiaire. Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2024, les primes de partage de la valeur seront intégralement soumises à l’impôt sur le revenu et à la CSG/CRDS. « ce dispositif, pour les entreprises de moins de 50 salariés, est prolongé pour trois ans mais il n'est pas pérennisé parce que cela relève du monopole des lois de financement et de la sécurité sociale. Cependant, on a choisi de prévoir dans ce texte une prorogation pour trois années. »

Plan de partage de la valorisation de l'entreprise

Le projet de loi crée un nouveau dispositif collectif qui est mis en place par voie de d'accord se nomme « le plan de partage de la valorisation de l'entreprise ». Ici, il a pour vocation à bénéficier à l'ensemble des salariés de l'entreprise, au moins 12 mois d'ancienneté, de bénéficier d'une prime de partage de la valorisation de l'entreprise si la valeur de l'entreprise a augmenté lors des 3 années suivantes.

Les sommes perçues au titre de cette prime peuvent être affectées à un plan d'épargne salariale en bénéficiant dans ce cas d'une exonération fiscale égale à 5% des 3/4 du plafond annuel de la sécurité sociale. « Ce dispositif particulier vise à tenir compte de la valorisation de l'entreprise plusieurs années et en faire partager le bénéfice aux salariés » ajoutent-ils. 

La troisième articulation, la simplification de la mise en place des dispositifs de partage de la valeur, porte sur la sécurisation des dispositifs existants d'avance de participation et d'intéressement au niveau de la loi. De plus, ce troisième volet propose une simplification de la révision des plans d'épargne inter-entreprises.

Développement de l'actionnariat salarié

La dernière articulation concerne le développement de l'actionnariat salarié.

« L'article 13 de ce projet de loi vise à développer l'actionnariat salarié plus facilement dans les entreprises qu'elles soient PME/ETI ou grandes entreprises notamment qui ont évolué à la hausse les différents seuils maximums d'actions qui peuvent être versés à titre gratuit. Pour l'article 14, il permet de faciliter la diffusion de l'épargne notamment labellisé vers la transition énergétique ou écologique dans les plans d'épargne entreprise et les plans d'épargne retraite collectif », poursuit-on au cabinet de Bruno le Maire et d'Olivier Dussopt.

Effectivement, ici, les gestionnaires de ces plans d'épargne auront l’obligation de proposer à leurs adhérents d’au moins 2 fonds labellisés par des labels reconnus de l'État, comme le label investissement socialement responsable. « Le dernier article vise, toujours dans le cadre d'enquête des fonds d'épargne salariale, à permettre aux salariés d'avoir un meilleur contrôle des choix de politique d'engagement actionnarial. Le gestionnaire du fonctionnement de l'emplacement d'entreprise aura obligation de faire un compte rendu annuel expliquant sa politique d'engagement actionnarial », concluent-ils.

Pierre-Olivier Nau.Réaction de Pierre-Olivier Nau, président du Medef Haute Garonne

"Le fameux accord national interprofessionnel (ANI) a été négocié pendant six mois un peu discrètement entre tous les syndicats et le Medef (sauf la CGT). Je voudrais juste souligner l'importance de faire appel au dialogue social pour faire évoluer la loi sociale. Cela permet de produire un contenu à forte valeur ajoutée ! On compte vraiment sur les parlementaires pour reprendre le texte tel qu'on l'a rédigé.

J’apporte également une précision sur l’accord en lui-même. Un point intéressant concerne la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés d'avoir accès aux accords de participation et d'intéressement. Tout le monde peut profiter des bénéfices de l'entreprise, y compris pour des petites entreprises. Et ainsi de les associer à la performance et à l’importance de l'entreprise. Un autre point tourne autour des débats de cet automne sur les surprofits ou les profits exceptionnels. Aujourd’hui, le texte prévoit un dialogue entre les salariés et dirigeants sur le mode de partage des profits exceptionnels. Même si c'est la direction qui définit bien ce qu'est un profil exceptionnel !

Le dernier point important se concentre sur l'actionnariat salarié. Premièrement, il permet à chacune et chacun de participer au projet entrepreneurial donc c'est un outil de recrutement et de fidélisation très utile. Deuxièmement, cette dimension responsable incite l'actionnaire salarié à contribuer à la politique responsable de l'entreprise notamment en matière de transition climatique et énergétique. C'est une espèce de prolongement assez judicieux de la loi Pacte 2018. Sur le calcul actionnariat/salarié, nous sommes davantage sur le schéma suivant : actionnaire responsable = développement responsable donc croissance durable pour l'entreprise !

On trouve une cohérence dans cet ANI et dans la loi qui va en découler. Tout le monde est embarqué dans le projet entrepreneurial et dans la problématique de compétitivité. Je compte sur le Parlement pour reprendre le texte intégralement".

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