À 35 ans, Ju Landès fait partie de ces entrepreneures qui déplacent les lignes. Militante de l’égalité, fondatrice de plusieurs initiatives autour de la diversité et du bien-être au travail, elle a su transformer ses épreuves personnelles en une énergie contagieuse. De Montauban à Paris, son parcours dessine une conviction : le monde de demain se construira en misant sur la différence, pas sur la conformité.

À 35 ans, Ju Landès incarne cette nouvelle génération d’entrepreneures qui transforment les convictions en leviers de changement. (Photo Agence Attila)
Ju Landès grandit entre deux mondes. Son père, originaire de l’Aveyron, incarne la rigueur du travail agricole ; sa mère, arrivée du Laos à l’adolescence, transmet la douceur de la résilience. De cette rencontre naît une double culture qu’elle porte comme un trésor. Mais une tragédie va lui donner, très tôt, une conscience aiguë de la fragilité de la vie : la disparition de son cousin, à l’âge de huit ans.
« Nous avions le même âge. Sa mort a bouleversé mon enfance et m’a donné cette urgence d’agir, ce besoin de vivre pour deux », confie-t-elle. Cette épreuve devient le moteur d’une existence guidée par l’engagement et la quête de sens.
Dans l’entreprise, les premiers combats
Diplômée de la Toulouse School of Management, elle entre dans le monde du travail par la grande porte : un poste à responsabilité dans un groupe européen de l’après-vente automobile. À 25 ans à peine, elle dirige un réseau de garages et découvre les rouages d’un univers très masculin. Les remarques, les stéréotypes, les résistances : tout y passe. Elle encaisse, observe et apprend.
« C’est là que j’ai compris que les inégalités ne se jouent pas que dans les discours, mais dans les comportements, dans les habitudes du quotidien. » Sept années à ce rythme suffisent à lui révéler sa mission : faire bouger les mentalités.
Nénettes & Co : un réseau pour oser
En 2017, elle fonde Nénettes & Co, un nom qui sonne comme une provocation tendre. L’association vise à renforcer la place des femmes dans le monde professionnel et à leur redonner confiance. Les ateliers et conférences s’enchaînent, dans une ambiance toujours bienveillante. À Montauban comme à Toulouse, le réseau s’étoffe. Aujourd’hui, il compte environ 200 membres.
« On voulait créer un espace de respiration, un lieu où les femmes se sentent légitimes, écoutées, encouragées à prendre leur place », raconte-t-elle. Ce premier projet devient le laboratoire de ses idées sur l’équité et la solidarité au travail.
Dans la foulée, Ju participe à la création de Fédépro Fem, une fédération de réseaux féminins, pour unir les initiatives locales et les rendre visibles à plus grande échelle. L’objectif est clair : faire du collectif un levier de transformation durable.
Olympes : l’entrepreneuriat au féminin pluriel
Mais pour Ju Landès, l’égalité ne se limite pas à la question du genre. En 2020, elle cofonde Olympes, en hommage à Olympe de Gouges, figure emblématique de Montauban. L’entreprise accompagne les organisations dans leur démarche de marque employeur et les aide à repenser leur culture managériale autour de l’inclusion.
Ici, la performance ne s’oppose pas au bien-être.
« Il faut arrêter de cocher des cases. L’inclusion, ce n’est pas une stratégie de communication, c’est une façon de travailler, d’écouter, de recruter », insiste-t-elle. Avec Olympes, elle invente une autre manière d’entreprendre, fondée sur l’intelligence collective et la reconnaissance des singularités.
The Seed Crew : un jeu pour comprendre l’invisible
Trois ans plus tard, nouveau virage. Ju Landès rejoint The Seed Crew, une jeune pousse à impact social qui marie pédagogie et innovation numérique. Ensemble, ils conçoivent RecovR, un jeu vidéo immersif qui plonge les joueurs dans des situations de discrimination en entreprise. L’idée ? Faire ressentir plutôt que simplement expliquer.
« Le jeu permet de désamorcer les résistances. Il fait tomber les masques et ouvre le dialogue là où les discours échouent », explique-t-elle. L’approche séduit : plus de 6 000 salariés, de BNP Paribas à Orange Business, ont déjà été formés grâce à cet outil.
Une voix qui compte
Invitée à l’InclusivDay en mai dernier, Ju Landès a animé deux conférences sur l’inclusion et le handicap aux côtés d’expertes telles que Clarisse Breynaert-Mauvage (BNP Paribas) et Séverine Baudouin (FIPHFP). Sa parole, à la fois directe et nuancée, fait mouche. Elle refuse les postures et préfère la sincérité. « Le changement, c’est accepter la complexité du réel. Ce n’est pas imposer une norme, mais créer un terrain d’écoute », résume-t-elle.
À 35 ans, Ju Landès symbolise une génération d’entrepreneures qui croient en la puissance du collectif. Ni militante dogmatique, ni dirigeante désincarnée, elle évolue à la frontière du politique et du sensible, de l’économie et de l’intime. Ce fil ténu entre raison et émotion, c’est là qu’elle bâtit son influence. Là aussi qu’elle prouve qu’il est possible d’entreprendre autrement : avec audace, avec humanité, avec sens.