Occitanie. ODESS 2025 : la santé numérique au cœur des crises mondiales

La Fondation Pierre Fabre réunit à Lavaur plus de 4 000 participants pour sa 9e Conférence internationale de l’Observatoire de la e-Santé dans les pays du Sud (ODESS). Un rendez-vous décisif pour repenser les modèles de santé numérique dans un monde fragilisé par les crises humanitaires, économiques et climatiques.

Un événement qui place la santé numérique au cœur des enjeux mondiaux et rappelle que l’innovation doit servir en priorité ceux qui en ont le plus besoin. (Photo Lydie Lecarpentier)

Un événement qui place la santé numérique au cœur des enjeux mondiaux et rappelle que l’innovation doit servir en priorité ceux qui en ont le plus besoin. (Photo Lydie Lecarpentier)

Créé en 2016 par la Fondation Pierre Fabre, l’Observatoire de la e-Santé dans les pays du Sud (ODESS) s’est imposé comme le think tank de référence sur la santé numérique dans les régions à faibles ressources. Son ambition : analyser, documenter et soutenir les solutions digitales qui améliorent concrètement l’accès aux soins pour les populations vulnérables.
Avec le soutien de partenaires comme l’Agence Française de Développement (AFD), l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) ou encore l’Asia eHealth Information Network (AeHIN), l’ODESS a mené depuis sa création 70 enquêtes de terrain, recensé plus de 200 projets et soutenu 44 initiatives lauréates, pour un total de 1,14 million d’euros de financement alloués.

« Le numérique n’est plus une option. Il est aujourd’hui une solution incontournable pour restructurer les systèmes de santé publique et répondre efficacement aux besoins des populations », souligne Béatrice Garrette, directrice générale de la Fondation Pierre Fabre et fondatrice de l’ODESS.

Lavaur accueille la 9e Conférence internationale de l’ODESS

Le 9 octobre 2025, la conférence se tient depuis le domaine d’En Doyse à Lavaur (Tarn), demeure familiale de Pierre Fabre et siège de la Fondation. Sous le thème « Santé numérique en contexte de crise », cette édition met l’accent sur les apports du digital en situation d’urgence — qu’elle soit humanitaire, sanitaire ou environnementale.

Des représentants de l’OMS, de l’UNICEF, du Haut-Commissariat aux Réfugiés (UNHCR) et des ministères de la Santé du Liban, de Thaïlande et du Ghana figurent parmi la vingtaine d’experts internationaux réunis. L’événement, retransmis en direct et en replay en français et en anglais, mobilise plus de 4 000 participants et quinze campus numériques en Afrique et en Asie.

Quatre lauréats récompensés pour leur impact durable

Cette année, 347 candidatures ont été reçues par l’Observatoire, dont près de la moitié consacrées à la santé maternelle et infantile. À l’issue d’un processus de sélection rigoureux — analyse documentaire, enquêtes de terrain et auditions —, quatre projets lauréats ont été distingués, chacun recevant 50 000 euros pour développer ou déployer leur solution :

  • Safe Delivery+ (Maternity Foundation) : une application mobile gratuite utilisée dans plus de 70 pays, destinée à former les sage-femmes et à réduire la mortalité maternelle et néonatale.

  • Z-Waka (Cambodge, Myanmar, Vietnam) : une plateforme de formation médicale en ligne utilisée par 80 000 professionnels de santé, qui renforce la formation continue et la qualité des soins.

  • Digital Disease Surveillance – DDS (Thaïlande) : un système national de surveillance épidémiologique en temps réel, interconnecté avec 90 % des établissements de santé du pays.

  • AI_r (Afrique du Sud) : un dispositif basé sur l’intelligence artificielle et l’Internet des objets (IoT) pour surveiller la qualité de l’air et anticiper les risques sanitaires liés à la pollution.

« Ces initiatives démontrent qu’il est possible de bâtir des réponses numériques efficaces, ancrées localement et adaptées aux besoins des populations », explique Béatrice Garrette.

La santé mentale, première urgence silencieuse

La première table ronde est consacrée à la santé mentale en contexte de crise. Au Liban, où les crises économiques et les bombardements ont fragilisé la population, le Dr Rabih El Chammay a lancé l’application Step by Step, soutenue par l’OMS, qui a déjà permis à 5 000 personnes d’accéder à un soutien psychologique et formé 1 200 infirmiers. En Ukraine, la plateforme TeleHelp Ukraine a offert plus de 3 500 téléconsultations, dont 60 % liées à des troubles psychiques, grâce à un réseau de 200 professionnels bénévoles.

Ces exemples illustrent l’urgence d’intégrer la santé mentale dans les plans d’intervention, un enjeu mondial alors que 1 personne sur 8 vit avec un trouble mental selon l’OMS.

Les données, colonne vertébrale de la réponse sanitaire

Les données géospatiales et les systèmes d’information deviennent indispensables pour repérer les épidémies et coordonner les interventions. Le Dr Justus Nsio Mbeta, épidémiologiste en République démocratique du Congo, et Koshal Chandra Subedee, du ministère de la Santé du Népal, insistent sur le rôle clé de solutions comme SORMAS, système open source déployé dans plus de dix pays pour détecter les foyers épidémiques en temps réel.

« Sans outils de surveillance performants, les crises se propagent dans l’ombre, retardant la riposte et coûtant des milliers de vies », rappellent-ils.

La pandémie de COVID-19 a révélé un autre fléau : la désinformation sanitaire. Jusqu’à 60 % des contenus diffusés sur les réseaux sociaux pendant une crise contiendraient des informations erronées, selon l’OMS. La médecin épidémiologiste Myriam Hemes Njimegne Nkwa, fondatrice de l’association YOHEDA (Youth for Health and Development of Africa), milite pour une vigilance numérique accrue et la formation des jeunes aux compétences critiques.

Des solutions numériques dans les zones fragiles
La santé numérique joue également un rôle crucial dans les contextes fragiles ou conflictuels, où les infrastructures de santé sont défaillantes. Des outils comme DHIS2 au Mozambique ou MERA au Liban démontrent qu’une gouvernance locale, des fonctionnalités hors ligne et une coordination efficace peuvent maintenir la vaccination et le suivi des patients dans les zones les plus difficiles d’accès.

Une fondation engagée dans la durée

Reconnue d’utilité publique depuis 1999, la Fondation Pierre Fabre détient 86 % du capital du Groupe Pierre Fabre, aux côtés des 10 % détenus par les salariés. Cette structure unique en France lui garantit une autonomie financière durable au service de son action humanitaire.
Active dans 21 pays, la Fondation œuvre dans cinq domaines majeurs : formation des soignants, accès aux soins, dermatologie, drépanocytose et santé numérique.

La Conférence ODESS 2025 s’impose comme un laboratoire international d’idées et d’actions concrètes. Dans un contexte de baisse des financements internationaux pour la santé — estimée entre -35 et -40 % d’ici fin 2025, selon l’ONU —, elle plaide pour un nouvel équilibre entre solidarité mondiale et empowerment local.

« Au-delà des technologies, c’est une vision partagée de l’équité en santé qui se dessine, portée par celles et ceux convaincus que l’innovation doit d’abord servir ceux qui en ont le plus besoin », conclut Béatrice Garrette.

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