Agronutris passe à la vitesse supérieure pour ses produits à base d’insectes

Les farines à base de larves de mouches d'Agronutris contiennent un niveau de protéine de 60%

Les farines à base de larves de mouches d'Agronutris contiennent un niveau de protéine de 60%

Depuis 2018, Agronutris (marque du groupe EAP) a entamé une profonde transformation de son activité. Après l’expérience Micronutris et la vente en B2C, l’entreprise installée à Saint-Orens de Gameville en Haute-Garonne veut conquérir de nouveaux marchés. Agronutris s’apprête à construire une usine de production à Rethel, bénéficiant notamment du plan de relance du gouvernement.

« Il ne fallait pas se limiter à un secteur, on devait exploiter au mieux notre valeur ajoutée ». Lorsqu’il intègre Micronutris en 2017 en tant que Business Angel, Mehdi Berrada veut repenser la vision de l’entreprise. Auparavant dirigeant de la biscuiterie Poult, il réoriente avec Cédric Auriol, le fondateur l’entreprise, la stratégie industrielle : « Depuis 2011, l’activité était l’élevage d’insectes et la production de produits alimentaires pour les humains. Ce petit marché de niche fonctionnait bien, en témoigne le chiffre d’affaires cumulé qui s’élevait à 2 millions d’euros. Mais, dans un contexte avec beaucoup d’incertitudes juridiques, je me suis demandé s’il fallait se limiter à un secteur, s’il ne fallait pas se concentrer sur le savoir-faire de la boîte ».

Deux marchés de destination en B2B

Désormais Cédric Auriol et Mehdi Berrada produiront de la farine d’insectes et, en se renommant Agronutris, les deux co-fondateurs visent deux marchés beaucoup plus spécifiques : l’aquaculture, où les industriels vont devoir arrêter d’utiliser de la farine de poisson à cause d’un soucis de durabilité, ainsi que le PetFood (la nourriture pour animaux de compagnie) où « les industriels ont un vrai intérêt pour des solutions nouvelles, à haute teneur en protéines » affirme Mehdi Berrada.

Une levée de fonds pour mettre en place son industrialisation

Pour changer d’échelle, Agronutris a levé 6 millions d’euros depuis 2018 afin de renforcer l’équipe qui est passée de 5 à 20 personnes en deux ans et demi, mais également pour finaliser la phase de pré-industrialisation: « notre différenciation, c’est les 10 ans de R&D que l’on a derrière nous. Notre maîtrise technologique est assez importante, et pour moi les acteurs qui réussiront demain sont ceux qui pourront transformer leurs technologies en production ». Cette technologie, c’est la maîtrise du processus complet de reproduction, d’élevage et de transformation de la mouche soldat. Agronutris récupère des bio-résidus qu’elle transforme en nourriture pour ses larves afin de les faire grandir pour ensuite les cuire et les déshydrater et aboutir enfin à une farine super-protéinée. Une partie des mouches est conservée dans une optique de reproduction, afin d’obtenir un processus entièrement circulaire.

Une usine à Rethel pour se rapprocher des gisements à recycler

L’entreprise qui a investi de nouveaux locaux de 1200 m² à Saint-Orens (31) a choisi d’installer son usine à  Rethel dans les Ardennes avec l’idée de se rapprocher des industriels de l’agroalimentaire, notamment Cristal Union et ADM , ses futurs fournisseurs de bio-résidus.

L’usine devrait voir le jour d’ici 2022 : « sur la partie technique, tout est finalisé, chiffré et validé. Désormais nous sommes en appel d’offre ». Agronutris a été retenu dans le plan de relance du gouvernement qui lui accorde un financement de 8 millions d’euros. Au total, une soixantaine de personnes seront recrutés pour faire tourner l’usine. Sans donner de prévision de chiffre d’affaires, Agronutris affirme avoir des contrats « très importants » avec de « gros clients » dans ses deux marchés de destination.

 

Un management particulier

Lorsqu’il prend la direction, avec Cédric Auriol, d’Agronutris, Mehdi Berrada apporte sa vision managériale qui avait déjà fait ses preuves dans le groupe Poult : une gouvernance partagée : « Pour contribuer au monde de demain, il ne suffit pas de participer aux enjeux d’avenir, cela passe aussi par des nouvelles formes d’organisation. Chez Agronutris on est dans cet état d’esprit : ce n’est pas juste une société « cool » où on change les codes de l’entreprise, c’est de l’intelligence collective où par exemple chacun décide par lui-même de son emploi du temps et de ses compétences. Aussi, les recrutements sont faits par les employés qui seront en relation directe avec la personne, tout cela dans un système de décision par consentement : chaque collaborateur a un droit de véto sur les décisions, et les dépenses de l’année sont arbitrées collectivement. »

 

Alidières Thomas

 

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