Bâtiment, commerce, restauration... Les défaillances d'entreprises ont explosé en 2023 en Occitanie

L'Occitanie se retrouve au cœur d'une crise économique majeure, marquée par un pic de défaillances d'entreprises atteignant 5 329 cas en 2023, selon les données du groupe Altares. Cette hausse de 40% par rapport à 2022 souligne les défis persistants que la région doit relever malgré les mesures post-Covid.

En Occitanie, les TPE concentrent l’essentiel des défaillances (93 %). (Photo d'illustration : Pixabay)

En Occitanie, les TPE concentrent l’essentiel des défaillances (93 %). (Photo d'illustration : Pixabay)

Le groupe Altares, expert historique et référent de l’information sur les entreprises, a dévoilé, jeudi 8 février 2024, les chiffres des défaillances d’entreprises en Occitanie pour l’année 2023. Et il n’y a rien de rassurant… Les 5 329 procédures de défaillance enregistrées en 2023 représentent une augmentation significative de 40% par rapport à l'année précédente. Cependant, il est crucial de noter que ce chiffre est encore élevé après la hausse historique de 68% en 2022. La région Occitanie se démarque ainsi de la tendance nationale, avec une augmentation de 36% des défaillances enregistrées en France, atteignant 57 729 procédures ouvertes.

Des départements fortement impactés

En se penchant sur les disparités locales, trois départements se distinguent par une augmentation très significative des ouvertures de redressements et liquidations judiciaires, dépassant les 70%. Les Hautes-Pyrénées, l'Aveyron et la Lozère font face à des défis économiques majeurs. La Haute-Garonne, enregistrant une augmentation de 54%, atteint son niveau le plus élevé depuis 2015. En revanche, l'Aude se démarque avec une augmentation des défauts limitée à seulement 20%, deux fois moins que la moyenne régionale.

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Le Gard (607) et le Tarn (296) contiennent la hausse sous 30%. (Document : Groupe Altares)

Les PME et les ETI sous pression

Thierry Millon, directeur des études de la société Altares, analyse ces chiffres :

"Après une phase de rattrapage d’une partie des entreprises tenues à flot grâce aux mesures d’accompagnement mises en place depuis la crise Covid, nous amorçons désormais une nouvelle phase, plus structurelle, davantage liée aux insuffisances financières des entreprises qui doivent naviguer dans un environnement économique extraordinairement tendu. Certes, les assignations ont repris fortement mais toutes les procédures ne sont pas ouvertes à l’initiative des URSSAF. Activité en berne, niveau d’inflation encore élevé, taux d’intérêt toujours hauts, consommation qui flanche, forment un dangereux cocktail pour des entreprises aux trésoreries épuisées après une succession de crises."

L'impact sur les petites et moyennes entreprises (PME) est particulièrement notable, avec 93% des défaillances concentrées dans cette catégorie. Plus de 4 850 entreprises de moins de 10 salariés ont été touchées en 2023, soit une augmentation de 39,7%. Pour les PME comptant entre 10 et 49 salariés, la tendance s'accélère fortement, avec une hausse de plus de 50%, un record sur les dix dernières années. Ces chiffres traduisent une pression croissante sur les entreprises régionales, transférant potentiellement le risque vers leurs fournisseurs et sous-traitants.

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La hausse sur un an (+40%) est moins forte que celle exceptionnelle de 2022 (+ 68 %), mais reste toutefois la deuxième plus rapide de l’histoire, loin devant les +13% de 2008. (Document : Groupe Altares)

L’ensemble des secteurs touchés

Le secteur de la construction se trouve au cœur des défaillances d'entreprises, concentrant le quart des cessations de paiement en Occitanie. Les chiffres alarmants indiquent que le secteur enregistre désormais 1 334 défauts, affichant une augmentation de 46% par rapport à l'année précédente.

Au sein de ces chiffres, 1 107 défauts sont spécifiquement observés dans les activités du bâtiment. Alors que la construction de maisons individuelles parvient à stabiliser ses défauts, la maçonnerie générale connaît une dégradation importante de 49%. Les travaux de menuiserie bois et PVC, la plâtrerie, ainsi que la peinture-vitrerie, présentent des taux de sinistralité en forte hausse. Dans le domaine de l'immobilier, les agences enregistrent une envolée des cessations de paiement, affichant une augmentation spectaculaire de 161%.

Le secteur du commerce n'est pas épargné, enregistrant un total de 1 130 défauts, reflétant une augmentation de 38%. Dans le commerce de détail, près de 720 procédures sont recensées, avec des tendances particulièrement lourdes dans le commerce d'alimentation générale (+52%) et le commerce d'habillement (+75%).

Le domaine des services aux entreprises est également fortement touché, affichant une dégradation rapide avec 631 défauts enregistrés, soit une augmentation de 45%. Les activités de conseil en communication et gestion sont parmi les plus affectées, avec des évolutions notables de 60%. Les secteurs de la sécurité privée (+72%) et du nettoyage de bâtiments (+158%) enregistrent des hausses significatives. Dans les activités d'information et de communication, la programmation informatique affiche une hausse rapide de 43%, tandis que les services aux particuliers, tels que les coiffeurs et les soins de beauté, connaissent des tendances persistantes avec une augmentation de 60%.

L'industrie résiste (un peu) mieux

L'industrie, avec un peu plus de 350 défauts, semble mieux résister que d'autres secteurs, affichant une augmentation de 34%. Les activités de manufacture (+27%) contribuent à cette résilience, contrairement au secteur agroalimentaire qui enregistre une hausse de 42%. Cependant, l'industrie manufacturière, en particulier dans les activités d'imprimerie de labeur, montre une fragilité notable avec une augmentation de 73%.

Le secteur des transports compte près de 150 défaillances en 2023, soit une augmentation de 32%. Le transport routier de marchandises interurbain est particulièrement touché, enregistrant une hausse de 50%, tandis que le fret de proximité affiche une augmentation plus modérée de 22%.

Les défis de la restauration

Le secteur de la restauration fait face à des défis significatifs, avec 634 établissements ayant défailli en 2023, représentant une augmentation de 46%. Bien que la restauration traditionnelle montre un léger ralentissement avec une hausse de 40%, la restauration rapide maintient un rythme soutenu avec une augmentation de 53%. Les débits de boissons présentent une tendance moins sévère, avec une augmentation de 11%, contrairement à l'hébergement qui affiche une hausse importante de 77%.

Dans le secteur de l'agriculture, l'élevage se distingue avec un net recul des défauts, enregistrant une baisse de 6%. Cependant, la culture, bien que tentant de résister, affiche une hausse de 19%, soulignant des tensions particulièrement fortes dans la culture de céréales.

15 000 emplois menacés

La crise économique se traduit par une menace sérieuse sur l'emploi, avec 15 000 emplois menacés en 2023, soit une augmentation significative par rapport aux 12 200 emplois en péril en 2022. Ces chiffres mettent en évidence les conséquences sociales dramatiques de la crise actuelle, affectant la stabilité économique et le bien-être des travailleurs. Et en 2024 ? « Dans un contexte de croissance poussive, les entreprises risquent de manquer du levier financier nécessaire pour faire face aux enjeux de transition écologique, ressources humaines et activités commerciales. Malgré une économie réelle qui tient bon, les trésoreries des entreprises sont mises à mal. », poursuit Thierry Millon.

Le directeur insiste sur la nécessité de se prémunir du risque de défaut, appelant à une vigilance accrue tant du côté des clients que des fournisseurs stratégiques, pour garantir la stabilité économique de la région Occitanie.

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