Chute des ventes, stagnation des prix et perspectives inquiétantes : voici l'état du marché immobilier à Toulouse et aux alentours

Une secousse majeure a frappé le marché immobilier de Toulouse et sa région en 2023, entraînant une chute significative des volumes de ventes sans pour autant infléchir les prix à la baisse. Les notaires appellent toutefois à la confiance malgré ce revirement inattendu.

Maître Frédéric Giral, président de la Chambre des notaires, et maître Henri Chesnelong, notaire à Toulouse et délégué aux chiffres de l'immobilier. (Photo Dorian Alinaghi - Entreprises Occitanie)

Maître Frédéric Giral, président de la Chambre des notaires, et maître Henri Chesnelong, notaire à Toulouse et délégué aux chiffres de l'immobilier. (Photo Dorian Alinaghi - Entreprises Occitanie)

Les experts de l'immobilier, maître Frédéric Giral, président de la Chambre des notaires, et maître Henri Chesnelong, notaire à Toulouse et délégué aux chiffres de l'immobilier, ont scruté et analysé de près les chiffres consolidés du marché immobilier pour l'année 2023. Leurs observations, aussi surprenantes que préoccupantes, donnent un aperçu clair de l'état actuel du secteur et des défis qui se profilent à l'horizon.

Chute "brutale" des volumes

Me Giral explique :

"Pour la première fois depuis de nombreuses années, tous types de biens confondus, les volumes des ventes ont enregistré une baisse globale de -31%, atteignant même -56% dans le neuf et -42% pour les terrains à bâtir. En Haute-Garonne, cette diminution des volumes a un impact particulièrement marqué sur les biens situés à Toulouse et dans sa métropole. En un laps de temps d'à peine une année, nous sommes revenus aux niveaux de vente de 2017, soulignant ainsi la brutalité de cette chute. Tous les types de biens sont touchés. Cependant, les prix n'ont pas réellement baissé, ils stagnent, contribuant ainsi à gripper le marché".

Les chiffres de l'année 2023 confirment une activité immobilière extrêmement ralentie, avec seulement 25 880 transactions enregistrées en Haute-Garonne, comparé aux 37 460 de l'année précédente. Le marché du neuf, où une baisse historique avait déjà été anticipée par les acteurs du secteur, se confirme, mais c'est le marché des terrains à bâtir qui inquiète en dévissant considérablement, ne représentant plus que 1 830 transactions par rapport aux 3 140 enregistrées en 2022.

Stagnation des prix pour l’ancien

Malgré un retournement du marché avec une chute importante des volumes de ventes en 2023, les prix de l'appartement ancien en Haute-Garonne ont surpris en maintenant une stabilité relative. L'augmentation du prix médian stagne à +0,7%, marquant un net ralentissement par rapport à l'année précédente qui avait enregistré une hausse de +3,2%.

Maître Henri Chesnelong souligne :

« Il n'y a pas de baisse des prix, le marché se pose et ce ralentissement est constaté un peu partout dans les départements de la Chambre. À Toulouse, la segmentation des quartiers connaît des ajustements notables. Alors que six quartiers étaient précédemment classés parmi les plus chers à plus de 5 000 euros le m2 médian, ce nombre a chuté à trois : Saint Etienne, Capitole et Saint-Gorges. Les Carmes, Saint-Aubin et Saint-Cyprien, autrefois inclus dans ce pool élite, affichent désormais des médianes en deçà de cette limite élevée. Sur un quartier comme celui des Carmes, il y a très peu de transactions et comme tout quartier historique, l'impact du coût de la rénovation est souvent conséquent. »

Baisse des prix à Balma

Au-delà de Toulouse, l'analyse par commune révèle une stagnation générale au niveau des prix des appartements anciens. Certaines communes, traditionnellement bien classées, affichent même des baisses modestes. Balma, maintes fois en tête du classement, présente un recul de -0,6%, avec un prix médian à 3 420 €/m2. Castanet-Tolosan, qui avait enregistré une hausse de +9% en 2022, observe également un léger repli de -0,2%.

Cependant, quelques localités maintiennent des augmentations significatives de leurs prix. Saint-Jean (3 240 €/m2, +9,2%), Seilh (3 210 €/m2, +6,4%), Cornebarrieu (2 590 €/m2, +7,6%), Seysses (2 490 €/m2, +11,6%), et Bagnères-de-Luchon (2 250 €/m2, +10,4%) demeurent des exceptions avec des hausses de plus de 5%.

Les préfectures voisines d'Albi (Tarn) et Montauban (Tarn-et-Garonne) enregistrent des augmentations plus modérées qu'en 2022. Albi observe une hausse de +6,7% (contre +5,8% en 2022), tandis que Montauban affiche une augmentation de +5,9% (contre +9,1% en 2022). Cependant, Foix (Ariège) connaît une situation contrastée avec une chute marquée de -8,6%, totalisant seulement 58 ventes en 2023 et un prix médian s'établissant à 1 360 €/m2.

Une tendance contrastée avec le marché du neuf

Sur le marché du neuf, la tendance à la hausse des prix persiste avec une augmentation de +2,1% en 2023, bien que cette progression soit en nette décélération par rapport à l'année précédente où elle était de +6,5%. Le prix au m2 s'établit à 4 550 euros, soulignant une situation où la raréfaction des stocks entraîne une persistance des tarifs élevés. Me Chesnelong commente :

"Nous le savons, avec une baisse historique en volume de -53%, les stocks se raréfient, et ceux qui restent à la vente ne sont pas moins chers !".

En effet, seules 3 200 ventes ont été enregistrées en 2023, comparé aux 7 300 de l'année précédente, illustrant une chute drastique de l'activité dans le secteur du neuf.

Baisse des prix dans la maison ancienne

En revanche, sur le marché de la maison ancienne, une tendance inédite se dessine avec une légère baisse des prix de -1,5% sur une année, portant le prix médian à 278 700 euros. Ce recul est accompagné d'une diminution significative des transactions, passant de 11 790 en 2022 à 9 180 en 2023, soit une baisse de -23%. Cette décroissance des prix s'étend également aux départements voisins, avec des baisses de -1,1% en Tarn-et-Garonne (prix médian à 180 000 €), -1,8% dans le Tarn (prix médian à 160 000 €), et -0,9% en Ariège, un département qui avait pourtant enregistré une augmentation de 15% en 2022. Me Frédéric Giral souligne : "On peut imaginer que sur un bien comme la maison ancienne, l’acceptabilité d’une baisse du prix est arrivée un peu plus rapidement que pour l’appartement ancien. L’impact du diagnostic énergétique sur une maison provoque indéniablement une marge de négociation et donc une baisse du prix." Il note également un début de changement des mentalités chez les vendeurs, bien que ce phénomène soit moins perceptible à Toulouse pour le moment.

Malgré ces évolutions, la typologie des biens recherchés pour une maison en Haute-Garonne demeure inchangée, privilégiant les 4 à 5 pièces. Balma maintient sa position en tant que commune la plus chère, avec un prix médian atteignant 468 100 euros, suivie de près par Quint-Fonsegrives (423 200 euros), Pibrac (421 900 euros) et Toulouse (384 500 euros).

"Le phénomène d'après-Covid s'est estompé"

Cependant, sur les communes où le segment de prix moyen se situe sous les 300 000 euros, des baisses significatives sont constatées, parfois à deux chiffres, comme à Montaigut-sur-Save avec une chute de -16,8% (282 500 euros) ou à Mondonville avec une baisse de -16,2% (261 900 euros). Me Frédéric Giral partage son observation :

"Plus on s’éloigne de la métropole toulousaine, plus les prix affichés amorcent une baisse. Nous constatons par ailleurs que le phénomène d’après-Covid avec l’engouement à quitter Toulouse s’est largement estompé. Le prix de l’énergie et donc le coût des transports, comme celui des matériaux, font que les acheteurs réfléchissent à deux fois et négocient plus âprement désormais quand il s’agit de s’éloigner de la Ville rose."

Étiquettes énergétiques : l'impact sur le prix de l'immobilier
Une question cruciale se pose dans le secteur immobilier : quel impact les étiquettes énergétiques ont-elles sur les prix des logements ? Pour l'appartement ancien en Haute-Garonne, en prenant la catégorie D comme étalon, l'impact reste modéré. Un bien classé en catégorie E perd seulement 3% de sa valeur (11% pour les catégories F et G), tandis qu'il gagne 6% s'il est classé en catégorie C.
En revanche, pour la maison ancienne, la différence est notable. Les maisons classées A ou B se vendent en moyenne 15% plus cher que celles de la catégorie D. Leur valeur diminue de -8% lorsqu'elles sont classées en catégorie E, atteignant jusqu'à -12% pour les catégories F et G. Les propriétés dotées de performances énergétiques supérieures sont perçues comme des investissements plus attractifs, bénéficiant de prix plus élevés, tandis que celles avec une efficacité moindre peuvent voir leur valeur diminuer.

Terrains à bâtir : des perspectives inquiétantes

Malgré son statut de marché relativement restreint, le segment des terrains à bâtir subit un effondrement des volumes de transactions en 2023, avec seulement 1 830 ventes enregistrées.

Cependant, contrairement à cette chute drastique des volumes, les prix maintiennent leur résilience en affichant une progression de +3,4%, portant le prix médian à 95 000 euros. Les notaires attribuent cette résistance des prix à la nature à long terme des transactions sur les terrains à bâtir. Maître Henri Chesnelong explique que "les transactions sur les terrains à bâtir sont des opérations au long cours ; il s’agit là de ventes qui ont été engagées il y a parfois huit ou neuf mois, à un moment où les prix étaient encore forts."

Une donnée nouvelle, et potentiellement inquiétante, émerge : pour la première fois, 34% des transactions concernent des terrains de moins de 600 m2, indiquant une tendance à la diminution des superficies. Les terrains entre 600 et 899 m2 représentent 29% des transactions. Dans les départements voisins, la chute des transactions est si brutale que le marché des terrains à bâtir devient de plus en plus "confidentiel", selon les notaires. Ce qualificatif reflète malheureusement les difficultés rencontrées par les constructeurs de maisons, exacerbées par la complexité des autorisations administratives et règlementaires, entamant ainsi la confiance des primo-accédants qui sont normalement actifs sur ce marché.

"Ce marché se réduit à peau de chagrin aujourd’hui et c’est une vraie inquiétude pour les petites communes qui se retrouvent face à un équilibre de plus en plus difficile à trouver entre la rénovation de l’habitat rural existant et des néo-ruraux qui n’arrivent plus à réaliser leur projet de construction de maison individuelle. Il ne faut pas oublier que l’attractivité d’un territoire est intimement liée à l’afflux de nouvelle population et donc de terrains disponibles." rapporte Me Frédéric Giral.

Les Haut-Garonnais majoritairement acheteurs

Malgré cette situation, le profil des intervenants sur ce marché reste relativement constant. Me Henri Chesnelong souligne cependant un point intéressant : 80% des acquéreurs sont des Hauts-Garonnais. "Contrairement au marché parisien qui a vu ces derniers mois de nombreux étrangers investisseurs qui n’ont pas connu les mêmes conditions bancaires, en Haute-Garonne, ce sont les locaux qui achètent et c’est le segment des 30-39 ans qui est le plus représenté. En analysant les courbes de répartition des ventes par tranches d’âge de l’acquéreur, on remarque que celle des plus de 60 ans est la seule à afficher une hausse par rapport à l’année précédente, mais c’est également la tranche la moins dépendante aux crédits".

Appel à la mobilisation collective

Les perspectives pour l'année 2024 dans le secteur immobilier s'annoncent délicates, selon les statistiques relatives aux avant-contrats. Me Frédéric Giral et Henri Chesnelong prévoient une augmentation de la baisse en volume au cours du premier trimestre, affirmant qu'"une baisse des prix devrait être constatée au mois d’avril, baisse qui pourrait atteindre les 10%". Cependant, en parallèle, une tendance à l'assouplissement des positions des partenaires bancaires est observée, suscitant l'espoir d'un déverrouillage du marché avec des taux d'intérêt se stabilisant en dessous de 4%.

La nécessité de restaurer la confiance dans le marché immobilier est soulignée, en tenant compte des récentes données de l'INSEE sur la dépréciation de la confiance des ménages en février. L'appel à la mobilisation collective est lancé, impliquant banquiers, agents immobiliers, et bien sûr, les notaires, pour rassurer et créer les conditions nécessaires pour faciliter l'accès à la propriété. Les primo-accédants sont particulièrement évoqués, ayant déserté le marché en 2023. Impactés par l'inflation et les conditions d'accès au crédit, ceux qui ont réalisé un achat l'ont souvent fait grâce à une aide familiale, un don, ou un prêt.

L'importance d'un apport personnel

Les notaires rappellent l'importance d'un apport substantiel, soulignant qu'il faut compter 15% d'apport pour concrétiser une acquisition. Dans un contexte où le besoin en logement demeure pressant, les notaires insistent sur le rôle crucial de la reprise du marché immobilier pour revitaliser le secteur de la construction et apaiser les tensions grandissantes sur le marché locatif. « Nous restons tout de même confiants, la stabilisation des taux et une baisse des prix devraient contribuer à la reprise du marché immobilier ».

A lire aussi