Face à un ralentissement historique de la construction, la FFB Occitanie et ses présidents départementaux appellent à une refondation des politiques publiques pour restaurer la confiance dans le secteur.
La FFB Occitanie et les 13 fédérations départementales appellent à la responsabilité du nouveau gouvernement et des élus pour restaurer la confiance. (Photo Dorian Alinaghi Entreprises Occitanie)
En Occitanie, le secteur du bâtiment traverse une crise d'une ampleur inédite. La production de logements neufs est à son niveau le plus bas depuis les années 1950, les défaillances d'entreprises s'accumulent et des milliers d'emplois sont menacés. Frédéric Carré, président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) Occitanie, et ses homologues des 13 fédérations départementales lancent un appel à l'action auprès des pouvoirs publics.
« Quand on veut, on peut », affirme Frédéric Carré, rappelant l'exemple de la reconstruction rapide de Notre-Dame de Paris comme symbole du volontarisme nécessaire.
Une crise d'une gravité sans équivalent
En 2024, seulement 26 950 logements neufs ont été construits en Occitanie, bien loin des 47 500 nécessaires pour répondre à la demande croissante. Ce chiffre marque une baisse de 14 % par rapport à 2023 et de 34 % sur la dernière décennie. À cette tendance s'ajoute une prévision encore plus sombre pour 2025, avec seulement 25 800 logements attendus.
Outre le logement, le bâtiment non résidentiel subit également un recul significatif, avec une baisse de 10 % en 2024, une tendance qui pourrait atteindre -15 % en 2025. Cette réduction des investissements publics et privés compromet les chantiers d'immobilier d'entreprise, de surfaces commerciales et d'équipements publics. Ces chiffres inquiètent d'autant plus que le secteur représente une part essentielle de l'activité économique régionale.
La crise touche aussi durement les entreprises du secteur. Les défaillances ont augmenté de 31 % par rapport à la moyenne des dix dernières années, totalisant 1 300 faillites en 2024. Ces faillites concernent des entreprises de toutes tailles, y compris des acteurs historiques. À ce rythme, 10 000 emplois supplémentaires pourraient disparaître en 2025, portant à 14 000 les pertes cumulées sur trois ans. Cette spirale négative pourrait entraîner des conséquences profondes sur l'économie de la région.
Les racines d’une crise multiple
La situation actuelle trouve ses causes dans des facteurs structurels et conjoncturels. Parmi eux, la hausse des taux d'intérêts — passés de 1 % à 4 % en quatre ans — a entraîné une perte de pouvoir d'achat des ménages de 25 %. L'inflation, atteignant près de 6 % entre 2022 et 2023, a encore aggravé les difficultés d'accès à la propriété. Parallèlement, la hausse des coûts de construction, notamment des matériaux (+20 % depuis 2022), a significativement augmenté les budgets nécessaires pour lancer des projets.
Le soutien de l’État, jugé insuffisant, constitue un autre facteur déstabilisant. La fin du dispositif Pinel dès janvier 2025 sans alternative immédiate, et la réduction du prêt à taux zéro (PTZ) ont entraîné une désaffection des investisseurs et des accédants à la propriété. De plus, la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) et les normes environnementales RE2020 imposent des contraintes à la fois financières et administratives, ralentissant considérablement le secteur.
Ces éléments s’ajoutent à des problèmes structurels liés à la croissance démographique, au vieillissement de la population et à la désorganisation des ménages. L’absence de solutions adaptées renforce le sentiment d’urgence exprimé par les professionnels du bâtiment.
Les conséquences sociales et économiques
Cette crise ne se limite pas à des enjeux sectoriels. En Occitanie, plus de 200 000 demandes de logements sociaux sont en attente, un chiffre en hausse de 10 % par rapport à 2023. L'accès au logement devient un obstacle majeur pour les jeunes, freinant leur mobilité étudiante ou professionnelle. Par conséquent, de nombreux projets de vie sont bloqués, accentuant les inégalités sociales. Les répercussions économiques sont également considérables. Les entreprises peinent à recruter dans un contexte où le logement des salariés devient une contrainte.
« Sans une politique adaptée, l’objectif de plein emploi et de réindustrialisation restera inatteignable », prévient Frédéric Carré.
La crise fragilise également les collectivités locales, qui voient leurs recettes diminuer tandis que leurs dépenses augmentent. L’impact sur la cohésion sociale et territoriale est donc majeur, affectant tant les zones urbaines que rurales.
Des propositions pour sortir de l’impasse
Face à ces enjeux, la FFB Occitanie propose une série de mesures immédiates et de long terme. Parmi elles, la relance du PTZ pour tous les territoires, la création d'un statut pour les bailleurs privés, et un plafonnement de la réduction des loyers de solidarité (RLS) afin de libérer des fonds pour la construction de logements sociaux. Cette mesure pourrait, selon les prévisions, permettre la construction de 650 logements sociaux supplémentaires par an en Occitanie.
Sur le moyen terme, la FFB appelle à un plan quinquennal de programmation de la construction 2025-2030, à une stabilité des réglementations et à une flexibilisation des règles d’aménagement dans le cadre du ZAN. « Il est urgent d’agir pour éviter que la région n’échoue à accueillir les 50 000 nouveaux habitants qu’elle gagne chaque année », souligne-t-il.
La stabilisation des aides à la rénovation énergétique, notamment le dispositif MaPrimeRénov’, est également identifiée comme un levier essentiel. L’objectif est de corriger les inefficacits passées pour relancer ce marché prometteur mais encore atone. Par ailleurs, un moratoire sur l’application des nouvelles normes environnementales jusqu’en 2028 permettrait aux entreprises de mieux s’adapter.
La FFB Occitanie en appelle à un effort collectif des élus et du gouvernement pour inverser la tendance. « Si rien n'est fait, nous ferons face à une catastrophe économique et sociale sans précédent », conclut Frédéric Carré.
Le bâtiment, acteur central de l'économie régionale, doit bénéficier des moyens et de la volonté politique nécessaires pour redevenir un moteur de croissance. La FFB rappelle que les solutions existent et qu’il suffit d’une volonté commune pour les mettre en œuvre. Ce combat engage l’avenir non seulement du secteur, mais également de toute la région Occitanie.