Immobilier neuf : 2025, l’année la plus sombre depuis 25 ans dans l’aire urbaine de Toulouse

L’ObserveR de l’immobilier toulousain dévoile un état du marché inédit depuis plus de deux décennies. Entre mises en vente en chute libre, effondrement des ventes à investisseurs, essor spectaculaire des dispositifs aidés et stocks au plus bas, l’aire urbaine de Toulouse traverse une crise structurelle profonde. Les chiffres du 1er au 3e trimestre 2025 montrent un marché à la croisée des chemins, alors que Toulouse et ses territoires voisins tentent de s’adapter à un nouveau cycle marqué par la fin du Pinel et la montée des tensions sur l’offre.

Michaël Merz, président de l’ObserveR. (Photo l’ObserveR)

Michaël Merz, président de l’ObserveR. (Photo l’ObserveR)

Jamais depuis près de vingt-cinq ans l’immobilier neuf n’avait affiché des volumes aussi bas. Moins de 1 600 logements ont été mis en vente entre janvier et septembre, un seuil encore jamais atteint dans l’histoire récente du marché. Le troisième trimestre vient confirmer cette tendance déjà perceptible dès le début de l’année, avec seulement 200 mises en vente, soit un recul proche de –60 % par rapport à la même période en 2024 et plus de –50 % en comparaison avec 2023. Sur la même période, les 1 515 ventes nettes enregistrées soulignent une dynamique tout aussi affaiblie, plongeant de –32 % en un an et de –23 % en deux ans.

Pour Michaël Merz, président de l’ObserveR, cette situation résulte d’une conjonction de « facteurs puissants qui ont désorganisé le marché ». Reformulée, son analyse met en lumière l’impact de taux d’intérêt encore proches de 3,5 % sur 25 ans, malgré un léger infléchissement, mais surtout la disparition du dispositif Pinel, qui constituait la colonne vertébrale des ventes à investisseurs depuis plus d’une décennie. Le marché ne parvient pas à absorber ce changement brutal, notamment parce que les modèles économiques des opérations, les coûts du foncier et les contraintes réglementaires n’ont pas été recalibrés à temps.

Le retrait violent des investisseurs : un choc structurel pour le marché

La conséquence la plus spectaculaire de cette mutation est l’effondrement du segment locatif. Les ventes aux investisseurs ne représentent plus que 24 % des transactions du 1-3T2025, ce qui correspond à une chute de 30 points en un an. La disparition du Pinel a provoqué un repli d’une ampleur rarement observée dans l’histoire du marché toulousain. Dans l’aire urbaine comme dans la ville-centre, la situation est similaire : seulement 361 ventes à investisseurs sur la période, et à peine 176 sur la seule ville de Toulouse, un niveau qui n’avait jamais été constaté auparavant.

Même si la Location Longue Investisseur (LLI) commence à exister dans le paysage, elle reste encore marginale. Les données montrent qu’elle représente environ 14 % des ventes nettes, ce qui demeure insuffisant pour remplacer un dispositif aussi structurant que l’ancien Pinel.

Un marché recentré sur les ménages occupants

À l’opposé, les ventes à occupants progressent et deviennent le moteur principal de l’activité. Elles atteignent 1 154 transactions, soit une augmentation notable de 14 % en un an et 9 % en deux ans. Le marché toulousain se recompose ainsi autour d’acheteurs qui cherchent à se loger plutôt qu’à investir, une tendance rendue encore plus visible par les dispositifs d’accession aidée.

Plus de la moitié des ventes à occupants repose désormais sur des mécanismes aidés, et cette part atteint 56 % sur la période. Le PSLA en constitue l’un des leviers les plus utilisés, tandis que le Bail Réel Solidaire (BRS) enregistre une progression spectaculaire avec près de 150 ventes, soit une croissance qui dépasse les 70 % en un an et plus de 260 % en deux ans. Le même mouvement se retrouve pour la TVA réduite à 5,5 %, dont les ventes en quartiers de renouvellement urbain connaissent une hausse impressionnante, avec 116 transactions soit 152 % de plus qu’en 2024.

Dans ce marché entièrement recomposé, les dispositifs aidés deviennent la clé de voûte d’un secteur qui cherche un nouveau souffle.

Un marché sous tension : une offre divisée par deux en deux ans

La crise de l’offre est l’un des éléments les plus préoccupants du bilan. À l’échelle de l’aire urbaine, le stock disponible tombe à 2 383 logements, ce qui représente une diminution de 20 % en un an et de 47 % en deux années seulement. Le délai théorique d’écoulement atteint désormais douze mois, ce qui témoigne d’un marché qui n’est plus suffisamment alimenté pour répondre à la demande.

Sur la ville de Toulouse, la situation est encore plus tendue. L’offre y est passée sous le seuil des 1 200 logements, à un niveau jamais observé depuis plus d’une décennie. La capitale occitane concentre encore environ la moitié des ventes de l’aire urbaine mais ne dispose plus d’une réserve suffisante pour accompagner sa dynamique démographique et économique.

L’amorce d’un réajustement des prix

Face à cette contraction brutale, les prix commencent à s’ajuster, mais de manière progressive. Sur l’aire urbaine, le prix moyen du collectif libre hors stationnement atteint 4 424 €/m², ce qui représente un repli de 0,8 % par rapport à l’année précédente et de 2,5 % par rapport à 2023. À Toulouse, la tendance diffère légèrement : les prix connaissent une faible hausse sur un an, atteignant 4 723 €/m² hors parking, avant de revenir presque à l’équilibre lorsqu’on compare à 2023. Le Sicoval, de son côté, subit une correction beaucoup plus nette, avec un prix moyen qui redescend à 3 650 €/m², une baisse de 10 % en un an et de 19 % en deux ans.

Selon l’analyse de l’ObserveR, ces mouvements restent partiels, car les logements vendus aujourd’hui sont issus de projets conçus avant la crise des taux et avant la fin du Pinel. Les réajustements les plus significatifs sont donc attendus dans les deux prochaines années.

Toulouse : un marché clé qui s’enfonce malgré une demande persistante

La ville-centre reflète de manière exacerbée les tensions du marché. Les mises en vente, tombées à 800 logements, reculent de plus de 50 % en deux ans. Les ventes nettes enregistrées sur la période, qui s’élèvent à 739, confirment que même une ville dynamique et attractive comme Toulouse n’échappe pas à la dégradation générale.
Les ventes à investisseurs, autrefois majoritaires dans la capitale occitane, ne représentent plus qu’un quart des transactions. Parallèlement, les ventes aidées y explosent, en particulier les ventes en TVA réduite et les ventes en BRS, qui totalisent respectivement 84 et 75 transactions, représentant une part très importante des volumes enregistrés dans l’aire urbaine.

Le marché toulousain entre ainsi dans une phase de déséquilibre profond, où la demande reste forte, mais où l’offre disponible et la capacité de production peinent à suivre.

Le Sicoval : une reprise trop fragile pour compenser le repli de 2024
Après une année 2024 extrêmement difficile, le SICOVAL connaît en 2025 un léger regain des mises en vente, qui repartent timidement à la hausse. Pourtant, les ventes continuent de plafonner autour d’une centaine d’opérations. Le stock s’amenuise à 150 logements, un volume qui fragilise fortement la capacité de ce secteur à répondre aux besoins résidentiels d’un territoire pourtant en croissance.

Bordeaux et Montpellier : un sursaut qui masque des fragilités persistantes

Si les métropoles voisines affichent une amélioration apparente, cette embellie reste modérée. Bordeaux dépasse ainsi les 1 800 mises en vente, tandis que Montpellier repasse au-dessus des 900. Mais ces hausses ne rattrapent pas les reculs précédents et s’inscrivent dans des volumes encore inférieurs à ceux de 2023 pour Montpellier, et seulement légèrement supérieurs pour Bordeaux.

La structure des ventes y évolue également : la part d’investisseurs s’y contracte fortement pour se stabiliser autour de 12 % à Bordeaux et 16 % à Montpellier. Les ventes aidées y prennent désormais un poids très important, signe que ces métropoles suivent la même recomposition que Toulouse.

Un marché en mutation profonde

L’année 2025 marque une rupture majeure pour le logement neuf dans l’aire urbaine de Toulouse. Le secteur, longtemps soutenu par l’investissement locatif défiscalisé, entre dans un nouveau cycle dépassant la simple conjoncture. Les modèles économiques changent, les dynamiques territoriales s’inversent, les ventes se recentrent autour des dispositifs aidés, les ménages en accession deviennent la nouvelle force motrice, et la production souffre d’une faiblesse structurelle.

Dans un contexte de forte pression démographique et d’enjeux urbains considérables, la métropole toulousaine devra repenser les leviers de régulation, les outils d’aménagement et les conditions de production pour éviter que la pénurie de logements ne devienne un frein durable à son attractivité.

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