Kinéis. La constellation de 20 nanosatellites vise les 2 millions d’objets connectés en 2030 !

Jean Muller, responsable du développement commercial de Kinéis

Jean Muller, responsable du développement commercial de Kinéis

Fin 2021, les vingt nanosatellites de la constellation Kinéis démarrent une offre IoT, l’internet des objets avec une couverture mondiale, à bas coût et basse consommation. Ce nouvel acteur du New Space, créé à Toulouse sous l’égide du Cnes et de sa filiale CLS, est  l’héritier direct du service Argos permettant d’envoyer des messages courts géolocalisés, popularisé lors des courses au large, dans le suivi des animaux sauvages…. Mais de 20 000 balises aujourd’hui l’ambition est d’aller vers les deux millions d’objets connectés en 2030 en démocratisant la connexion !

Le service Argos va prendre une tout autre dimension avec Kinéis. Il s’agira d’un service IoT en quasi temps réel couvrant l’ensemble du globe, utilisant des balises miniaturisées avec sa puce dédiée. Par rapport à la revisite toutes les 1 à 2 heures avec les 7 instruments actuels en orbite Argos,  l’ajout des 20 satellites Kinéis permettra des transmissions toutes les 7 minutes environ. L’abonnement reviendra entre 1 et 9 €/mois. Des balises à moins de 100 € seront disponibles. Le coût sera divisé au moins par deux pour les clients finaux, ouvrant de nouveaux marchés professionnels et grand public.

Le Cnes et CLS, l’opérateur d’Argos ne pouvait pas ne pas réagir face à  l’explosion du marché de l’IoT qui devrait représenter 70 milliards d’euros en 2030, à l’appétit de nouveaux entrants surfant sur la vague New Space. D’autant plus que la French Touch toulousaine a de l’expérience opérationnelle  avec Argos depuis 40 ans.

Ces deux dernières années les clients actuels d’Argos et toute une série de prospects un peu partout dans le monde, les fabricants de balises et d’objets connectés, ont été sensibilisés à la future offre Kinéis. CLS a préparé le terrain pour créer l’écosystème de la constellation. Les premières réactions sont plutôt positives avec un changement d’échelle. On passe de quelques centaines d’animaux sauvages instrumentés pour des fins scientifiques à des objectifs de production agricole, de pêche industrielle, à une tout autre échelle.

En Australie par exemple, il s’agirait d’équiper des centaines de milliers d’animaux en élevage extensif qui seront à la fois localisés et instrumentés avec un accéléromètre. En cas d’immobilité de l’animal, signalant un risque de maladie, d’épidémie,  un message sera automatiquement envoyé par la balise.

Le secteur de la logistique est particulièrement intéressé pour suivre sans trou, un container quelle que soit sa localisation dans le monde. Les grands chargeurs comme CMA-CGM, Maersk déjà clients de CLS sont susceptibles de basculer sur Kinéis.

Dans le secteur de la pêche où CLS a déjà des flottes significatives, la démocratisation du service devrait intéresser la pêche artisanale en Afrique, en Asie du Sud-Est. Sans lien de communication avec la terre pendant des campagnes de pêche sur une dizaine de jours, ces pêcheurs recevront un message via Kinéis d’alerte météo leur enjoignant de quitter la zone dangereuse en rejoignant leur port d’attache. Près de 500 000 bateaux seraient concernés avec un marché accessible d’environ 150  000 balises.

Dans le domaine du transport d’énergie, Antargaz, Suez font partie des grands clients potentiels.

Parmi les opportunités figurent les 800 000 balises de détresse exploitant le système de détresse Cospas-Sarsat dont les performances ont été améliorées. Dans le cadre du renouvellement du parc, « L’idée c’est d’ajouter au signal Sarsat le tracking de Kinéis pour améliorer le service » indique Jean Muller, responsable du développement commercial de Kinéis avec des nouvelles balises « Sargos » hybrides.

Vers le grand public, le  marché de la plaisance constitue une cible potentielle énorm à l’instar des pratiquants des sports Outdoor comme la montagne. Le couplage avec  Cospas-Sarsat  va améliorer la localisation et permettra d’envoyer des courts messages comme « tout va bien » pour éviter de mobiliser des moyens sans rapport avec le risque réel. Aujourd’hui les secours en hélicoptère perdent du temps à localiser les balises précisément d’une vallée à l’autre. On imagine la création d’une communauté « Sargos » à  l’image de Waze reliant les porteurs de balise entre eux. Pour les clients actuels d’Argos, l’utilisation de Kinéis sera transparente.

 

Kinéis mobilise 100 M€

La constellation sera opérée par la société Kinéis qui commercialisera le service. Près de 100 millions d’euros sont sur le point d’être levés pour capitaliser la société dans laquelle CLS sera un actionnaire minoritaire avec des apports publics et privés, français et internationaux. Les 10 premiers salariés vont quitter CLS en rejoignant l’entreprise pour aller vers la centaine de salariés à terme.

 

Dimensionnée pour connecter 2 millions d’objets

La constellation a été dimensionnée à partir des besoins pour connecter 2 millions d’objets. Sa conception fabrication a été confiée à un consortium regroupant Thales Alenia Space, maître d’œuvre, Nexeya, qui fournira la plateforme et Syrlinks, support pour la conception de l’instrument auquel se grefferont des PME de la filière spatiale régionale. Le  précurseur démonstrateur nanosatellite Angel et sa charge utile Argos Neo en orbite fin 2019, valideront la technologie. Chaque nanosatellite pèsera environ 25 kg (20x20x40cm). D’ores et déjà, la société Kinéis envisage le renouvellement de la constellation avec une vingtaine de nanosatellite. Les futures balises fonctionneront avec une puce Kinéis, un chipset et son modem intégré. La constellation exploitera la soixantaine de stations au sol disséminées dans le monde entier, utilisées par  Argos, réceptionnant les données des 7 instruments en orbite actuels, plus 25 nouvelles stations installées pour Kinéis. La consommation des balises sera réduite car elles n’émettront le signal que lorsque le nanosatellite sera visible. La constellation enverra des messages descendants aux balises,  avec les éphémérides, la position des nanosatellites. « Les batteries auront une durée de vie de plusieurs années, nécessaire pour viser le marché de la logistique entre autres » relate Jean Muller. C’est le centre de contrôle et de traitement des données de CLS installé à Ramonville St-Agne qui va gérer la constellation et la fourniture du service de Kinéis.

Complémentaire de Sigfox, Lora, du GSM…

Par rapport aux  opérateurs de télécommunications du GSM, des réseaux bas débit type Sigfox, Lora, des réseaux satellitaires, Kinéis entend jouer la complémentarité en ajoutant la couverture satellitaire.  La continuité de la connexion sera ainsi assurée dans les zones blanches non couvertes par ces réseaux, sur mer mais aussi sur terre. Les fabricants de balises fourniront par exemple des systèmes hybrides avec Kinéis en backup. Son domaine de prédilection c’est plutôt le marché de l’entrée de gamme de l’IoT avec des messages courts à l’inverse des opérateurs de la téléphonie satellitaire comme Irridium qui propose de l’image avec des tarifs à la hauteur. Quelques nouveaux acteurs issus du New Space dans le monde, en Suisse, en Hollande notamment sont en train de développer des services potentiellement concurrents. « Kinéis a un atout stratégique avec une fréquence déposée à l’UIT. C’est une barrière à l’entrée » souligne Jean Muller.

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