À Toulouse, la filière Gasconne des Pyrénées lance un consortium inédit pour structurer et valoriser une viande locale, durable et de haute qualité. Éleveurs, bouchers, restaurateurs et partenaires institutionnels unissent leurs forces autour d’une ambition : faire reconnaître le bœuf gascon comme un produit d’exception, enraciné dans les Pyrénées.

Aujourd’hui, la race compte environ 23 000 mères pour 40 000 animaux au total, dont 85 % sont implantés en Occitanie. Elle est principalement élevée dans les départements de l’Ariège, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, du Tarn, de l’Aude et des Pyrénées- Orientales. (Photo Groupe Gasconne des Pyrénées)
Alors que la consommation de viande recule en France et que la compétitivité du secteur est bousculée par la pression économique, les éleveurs de la race bovine Gasconne des Pyrénées revendiquent une autre voie. Une voie durable, locale, exigeante. Celle d’un élevage de montagne à taille humaine, fidèle à ses valeurs pastorales.
« Ce qui fait notre force, c’est la cohérence de toute la chaîne, du piémont pyrénéen au restaurateur », a rappelé Nicolas Lassalle, président du Groupe Gasconne des Pyrénées, à l’occasion de la fête du bœuf organisée à Toulouse.
Cet événement, pensé comme une vitrine vivante de la filière, marque aussi une étape symbolique : le lancement officiel du Consortium du Bœuf Gascon, nouvelle structure collective destinée à coordonner les actions des différents maillons — éleveurs, abattoirs, bouchers, distributeurs et restaurateurs.
Le goût de la patience et du lien au territoire
Avec plus de 300 adhérents et 40 000 animaux, dont 85 % élevés en Occitanie, la race Gasconne des Pyrénées continue de s’imposer comme un pilier de l’élevage durable. Elle se distingue par sa rusticité, sa sobriété alimentaire, sa longévité et surtout la qualité de sa viande, reconnue pour son persillé, sa tendreté et ses arômes délicats.
Le Label Rouge “Gasconne des Pyrénées”, pionnier parmi les races rustiques, garantit des pratiques traditionnelles : allaitement au pis jusqu’à 5 mois, pâturage minimum six mois par an, et finition lente sans OGM ni ensilage. Le “Vrai Bœuf” — un bœuf mâle castré de 3 à 5 ans — devient ici la figure de proue d’un savoir-faire qui mise sur le temps long.
« On ne peut pas produire ce type de viande en six mois, ni même en un an. Ce sont des animaux élevés pendant plusieurs années, qui transhument, qui marchent, qui s'imprègnent de leur territoire. C’est cette lenteur qui fait la qualité », insiste un éleveur du groupe.
Une dynamique collective pour construire l’avenir
Le lancement du Consortium vise aussi à offrir une réponse stratégique à un paradoxe : la demande en viande de qualité est croissante, mais la production locale peine à suivre.
« On n’a pas assez d’animaux pour répondre à l’intérêt grandissant des restaurateurs. Et on n’a qu’un seul boucher agréé Label Rouge sur tout le secteur toulousain aujourd’hui. C’est aberrant », regrette le président.
Face à cette tension entre l’offre et la demande, l’objectif est clair : structurer durablement la filière pour pérenniser les débouchés et donner envie aux jeunes de s’y engager. Et la relève semble déjà là.
« Sur nos 300 adhérents, près d’un tiers sont des jeunes installés. Beaucoup sont des femmes. Ce sont des modèles d’exploitations innovants, avec de la vente directe, du tourisme rural, des partenariats avec des restaurateurs. Il y a un vrai engouement », se réjouit Nicolas Lasalle.
Une fête du bœuf pour sensibiliser et mobiliser
Pour donner chair à cette ambition, Toulouse a accueilli début juin la première fête du bœuf gascon. L’événement a rassemblé professionnels, consommateurs et curieux sur la place Saint-Pierre. Une balade urbaine avec vache et taureau a permis d’évoquer l’histoire de la ville et de son lien avec l’élevage, notamment la légende du Taureau de Matabiau.
Des restaurateurs partenaires — comme Le Refuge des Copains — ont ensuite proposé des plats élaborés avec des pièces issues de bœufs Label Rouge sélectionnés, découpés et préparés localement.
« On veut montrer qu’un produit de haute qualité peut circuler dans un circuit très court, sans perdre son exigence ni son identité », souligne un chef engagé.
Une AOP en ligne de mire
Derrière cette mobilisation se dessine une ambition plus grande encore : l'obtention d’une Appellation d'Origine Protégée (AOP) pour le bœuf gascon. Le modèle inspirant du Noir de Bigorre ou du porc Kintoa sert de référence.
« On veut inscrire notre démarche dans la durée, en créant une reconnaissance officielle, fondée sur le territoire, la race et la méthode d’élevage. C’est un projet collectif, pas un coup marketing », précise l’équipe projet.
Pour réussir, la filière devra convaincre de sa capacité à garantir volume, régularité et excellence. Cela suppose un engagement commun sur toute la ligne : planification des élevages, maîtrise des abattages, structuration de la distribution et pédagogie auprès des restaurateurs et consommateurs.
Redonner du sens à la viande
Ce mouvement s’inscrit dans un contexte où l’élevage traditionnel cherche à se réinventer face aux crises sanitaires, à la mondialisation des échanges et aux attentes sociétales nouvelles. Le Groupe Gasconne des Pyrénées défend un modèle où la viande est un aliment de culture, de terroir et de lien, loin des standards industriels.
« Nous voulons que les gens sachent ce qu’ils mangent, d’où ça vient, qui l’a élevé, comment l’animal a été nourri et respecté. Le bœuf gascon raconte une histoire, et cette histoire mérite d’être partagée », conclut le président.