Occitanie : prudence accrue des entreprises en 2025, la croissance tient mais s’étiole sur certains fronts

À mi-année, la Banque de France Occitanie constate des révisions à la baisse des ambitions 2025. Industrie portée par l’aéronautique, services en retrait, BTP contrasté et travaux publics soutenus par les grands chantiers : le panorama régional dessine une croissance positive mais modérée, sur fond d’incertitudes et de tensions de trésorerie.

De gauche à droite : Vincent Foussal, responsable du service études économiques et Christine Bardinet, directrice régional de la Banque de France Occitanie. (Photo : Dorian Alinaghi - Entreprises Occitanie)

De gauche à droite : Vincent Foussal, responsable du service études économiques et Christine Bardinet, directrice régional de la Banque de France Occitanie. (Photo : Dorian Alinaghi - Entreprises Occitanie)

Depuis janvier, la Banque de France suit mensuellement 800 chefs d’entreprise d’Occitanie pour évaluer l’évolution de l’activité régionale. Le constat dressé en septembre 2025 est celui d’une croissance modérée, à contre-courant des espoirs exprimés au début de l’année. Si l’inflation a reculé et que les taux d’intérêt sont en baisse, le climat d’incertitude économique – en France comme à l’international – conduit les acteurs à privilégier la prudence et l’épargne plutôt que l’investissement.

« À mi-année, les entreprises apparaissent plus inquiètes sur leur atterrissage 2025 qu’elles ne l’étaient en janvier », analyse Christine Bardinet, directrice régionale de la Banque de France en Occitanie. « Leurs opinions sur le chiffre d’affaires, l’investissement et la rentabilité d’exploitation deviennent plus négatives, même si une majorité anticipe encore une certaine stabilité. »

Les chiffres illustrent cette tendance : 40 % des dirigeants déclarent que leur activité se situe en dessous des prévisions initiales, contre 24 % au-dessus et 36 % en ligne avec le scénario de janvier. En matière de rentabilité, 47 % anticipent une stabilité, mais 27 % une dégradation et seulement 25 % une amélioration.

L’industrie : l’aéronautique comme pilier, des tensions dans d’autres filières

L’industrie reste un secteur résilient en Occitanie, grâce à la place centrale de l’aéronautique. Ce fleuron régional continue de soutenir la production et de limiter les effets du ralentissement observé ailleurs. Les chiffres d’affaires progressent encore, mais moins qu’espéré : les perspectives tablent sur une hausse de +4,3 % pour 2025.

Cette solidité a toutefois un revers. Pour préserver leurs marges, les industriels ont légèrement réduit leurs effectifs, en particulier en diminuant le recours aux intérimaires. Les trésoreries, affaiblies au premier trimestre, se sont redressées au fil des mois grâce à la stabilisation des prix des intrants, qui avaient fortement pesé sur l’activité en 2024.

Christine Bardinet nuance néanmoins ce tableau : « derrière l’aéronautique, d’autres filières connaissent des tensions plus fortes, notamment l’équipement électrique et l’automobile, où la demande reste fragile et les marges sous pression. »

Les services marchands : un ralentissement net et préoccupant

Le contraste est marqué pour les services marchands. Après une fin d’année 2024 très dynamique, la croissance des courants d’affaires a ralenti dès le deuxième trimestre 2025. Ce décrochage par rapport au niveau national se traduit par une contraction de l’emploi et une forte pression sur les trésoreries, jugées désormais insuffisantes par une majorité des dirigeants.

Quelques augmentations tarifaires ont été appliquées ponctuellement, notamment dans l’hébergement, mais elles n’ont pas permis de compenser le recul de la demande.

Les enquêtes révèlent que 42 % des entreprises du secteur jugent leur chiffre d’affaires conforme aux prévisions, 28 % supérieur, mais 30 % inférieur. Sur la rentabilité, 59 % anticipent une stabilité, 19 % une amélioration et 22 % une dégradation. Ces chiffres traduisent une inquiétude croissante, d’autant que la demande intérieure peine à redémarrer.

Le bâtiment et les travaux publics : entre chantiers structurants et carnets fragilisés

Le secteur du bâtiment évolue à deux vitesses. Le gros œuvre est en recul marqué, pénalisé par la baisse des mises en chantier et un marché plus atone. À l’inverse, le second œuvre résiste mieux, soutenu par des chantiers de taille plus réduite. Globalement, les carnets de commandes, largement utilisés fin 2024, ont retrouvé un certain volume mais avec des projets modestes qui réduisent la visibilité à moyen et long terme.

Les travaux publics affichent une dynamique différente. Après un léger recul sur le premier trimestre 2025 lié à l’adoption tardive de la loi de finances, les grands chantiers régionaux ont redonné de l’élan au secteur. La ligne à grande vitesse, l’autoroute et surtout la troisième ligne du métro toulousain constituent autant de leviers d’activité.

Pour autant, les dirigeants demeurent vigilants. Afin de rester compétitifs dans un environnement très concurrentiel, les prix des devis ont été révisés à la baisse et des ajustements d’effectifs ont été opérés. La majorité des entreprises prévoit une stabilité de la rentabilité, sans véritable amélioration en vue.

Entre dynamisme entrepreneurial et fragilités persistantes

Le tissu économique occitan reste marqué par un paradoxe : un fort dynamisme entrepreneurial mais des défaillances encore élevées. Depuis le début de l’année, environ 53 000 entreprises ont été créées, signe d’une vitalité réelle. Parallèlement, 5 957 défaillances ont été enregistrées sur douze mois glissants à fin juin, soit une hausse annuelle de 9,8 % en Occitanie, contre 8,2 % à l’échelle nationale.

Cette situation illustre la dualité de l’économie régionale, où l’envie d’entreprendre demeure forte mais où de nombreuses structures restent fragiles face aux aléas conjoncturels.

Perspectives européennes et nationales : un redressement attendu après 2025

Les projections de la Banque centrale européenne et de la Banque de France confirment une trajectoire prudente mais positive. Le produit intérieur brut de la zone euro progresserait de +1,2 % en 2025, avant un raffermissement attendu à +1,3 % en 2027.

L’inflation, en fort repli cette année, devrait remonter progressivement vers la cible de 2 % en 2026-2027. Les salaires nominaux continueraient de croître à un rythme plus élevé que les prix, soutenant le pouvoir d’achat mais exerçant une pression supplémentaire sur les marges des entreprises.

« La période actuelle est difficile, mais les fondamentaux demeurent positifs à moyen terme », conclut Christine Bardinet. « L’industrie régionale conserve des atouts majeurs, les créations d’entreprises témoignent d’un dynamisme fort, et les grands projets d’infrastructures constituent des leviers importants pour l’activité. Le véritable enjeu sera de traverser ce cap avec suffisamment de confiance et de moyens pour investir. »

Méthode et couverture : un baromètre en prise directe avec le terrain
Les tendances 2025 s’appuient sur des enquêtes mensuelles auprès de 265 dirigeants industriels, 338 acteurs des services marchands et 191 entreprises du BTP en Occitanie, croisées avec l’analyse des bilans 2024 d’un large échantillon régional.

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