Portrait. Charlotte Carla, l’art du jardin comme engagement de vie

À la tête des Jardins de Matthieu, entreprise de paysage installée à Cugnaux, Charlotte Carla s’impose comme l’une des voix les plus engagées et les plus inspirantes de son secteur. Entre création sur-mesure, engagement local, introspection et combats professionnels, elle dévoile un parcours d’une intensité rare, marqué par la résilience, l’exigence et une vision profondément humaine du métier.

Charlotte Carla, cofondatrice des Jardins de Matthieu. (Photo Jardins de Matthieu)

Charlotte Carla, cofondatrice des Jardins de Matthieu. (Photo Jardins de Matthieu)

Il y a des histoires d’entreprise qui ressemblent à des leçons de courage. Et puis il y a celles qui ressemblent à une renaissance. Celle de Charlotte Carla, cofondatrice des Jardins de Matthieu, à Cugnaux, appartient à cette seconde catégorie : une trajectoire faite de doutes, de chantiers difficiles, de remises en question, mais surtout d’une détermination presque lumineuse à bâtir, comprendre, transmettre et transformer.

Derrière les massifs impeccables, les jardins sur-mesure et les projets finalistes des concours nationaux, il y a une femme qui avance avec une sincérité désarmante. Une femme qui ne cache rien des crises traversées, des réajustements nécessaires, des prises de conscience qui déplacent des montagnes. Une femme qui parle vrai, avec une lucidité qui force le respect.

Parce que l’histoire de Charlotte Carla n’est pas seulement celle d’une entreprise de paysage. C’est celle d’une dirigeante qui a compris que le jardin, aujourd’hui, n’est plus un simple espace vert : c’est un refuge, un lieu d’identité, un médium entre la nature et la vie humaine. Et c’est aussi celle d’une femme qui a décidé de porter haut les couleurs d’un métier en pleine mutation.

D’un pari de jeunesse à une entreprise reconnue

L’histoire commence par un pari osé : Matthieu, alors étudiant en BTS productions végétales, choisit de se lancer dans le paysage, poussé par l’envie de travailler la terre et d’aider son entourage. De fil en aiguille, l’entreprise grandit, se structure, se spécialise dans la création de jardins et d’espaces verts, l’entretien, les terrasses, les bassins, l’éclairage extérieur, jusqu’à intégrer son propre bureau d’études pour concevoir des projets complets.

Charlotte rejoint et façonne progressivement cette aventure. Dans l’entreprise familiale, elle cumule les rôles : administration, ressources humaines, commerciale, suivi clients, communication, community management. Elle gère les dossiers, accompagne les équipes, porte l’image de la marque, tout en restant au plus près des réalités de chantiers.

Ce duo complémentaire fait des Jardins de Matthieu une structure à taille humaine, capable de répondre à des chantiers difficile sans perdre l’âme de l’artisan. Un modèle d’équilibre subtil entre croissance et fidélité à l’esprit d’origine.

Le jardin, nouvelle pièce à vivre et baromètre de société

Le secteur du paysage a connu ces dernières années une croissance remarquable, autour de 7 %, portée par l’engouement pour les extérieurs après les confinements. Le jardin n’est plus un simple espace de culture, mais une véritable extension de l’habitat, un lieu où l’on reçoit, où l’on se ressource, où l’on réapprend à respirer.

Charlotte Carla observe ce mouvement de l’intérieur. Les demandes des particuliers ont changé : on ne cherche plus seulement à “faire joli”, mais à créer un refuge, à concilier confort, biodiversité, ombre, gestion de l’eau, chaleur urbaine. Les Jardins de Matthieu ont ainsi conçu des projets intégrant végétation dense, matériaux locaux, circulation de l’eau, lieux de convivialité, jusqu’à imaginer un “jardin suspendu” finaliste du prestigieux concours national Carré des Jardiniers 2023, à Lyon.

Ce projet, mariant Tiny Forest, gestion intelligente de l’eau et brique toulousaine recyclée, a valu à l’entreprise un prix “Coup de cœur des étudiants”, symbole fort : la nouvelle génération reconnaît dans ce travail un paysage à la fois créatif, responsable et tourné vers demain.

Dans ce contexte, Charlotte défend une idée simple : le paysagiste n’est plus seulement un exécutant, mais un concepteur d’espaces de vie, un intermédiaire entre les défis climatiques, les contraintes urbaines et les attentes très concrètes des habitants.

Un métier en mutation, entre contraintes de terrain et innovation

Sur le papier, le paysage fait rêver. Sur le terrain, la réalité est plus rude. Les interventions en centre-ville exigent une logistique millimétrée : accès difficiles, camions introuvables à garer, manutention lourde, temps passé au nettoyage, coûts supplémentaires pour le client. Chaque cour intérieure, chaque passage étroit, chaque livraison devient une petite bataille quotidienne.

Pour autant, Les Jardins de Matthieu n’en restent pas à ce constat. L’entreprise s’équipe, innove, intègre progressivement nouveaux outils, logiciels de conception, robotique, solutions d’arrosage optimisées, tout en gardant une approche très humaine du métier.

Le secteur, majoritairement composé de TPE, partage ces mêmes défis : besoin de valoriser la profession, de mieux faire connaître la qualité des services proposés, de montrer que ces entreprises sont parmi les premiers employeurs de proximité, ancrés dans les territoires. Charlotte Carla le sait, et ne se contente pas de gérer sa propre structure : elle s’engage pour faire bouger la profession dans son ensemble.

Femme de métier, femme de réseau, femme de combats

À côté de son rôle opérationnel, Charlotte multiplie les responsabilités extérieures. Élue locale au sein de l’organisation professionnelle Les Entreprises du Paysage, elle porte la voix de son secteur sur les questions de formation, d’emploi, de transition écologique et de visibilité des métiers.

Elle s’investit également au Medef Haute-Garonne, qu’elle a rejoint en 2021, avec un objectif assumé : casser les codes en arrivant comme cheffe d’entreprise d’une TPE du secteur agricole, dans un environnement parfois dominé par les grandes structures.

Ses combats sont clairement identifiés : la place des femmes dans un métier encore très masculin, la valorisation du paysage comme secteur d’avenir, la formation des jeunes, et la professionnalisation d’une filière composée majoritairement de petites entreprises. Elle défend l’idée que les métiers du paysage peuvent constituer de vraies carrières d’avenir, riches de sens, pourvu qu’on les fasse connaître, qu’on les explique, qu’on les incarne. Et elle les incarne, justement.

Crises, introspection et nouveau cap managérial

Son parcours est aussi traversé par des épreuves personnelles et professionnelles, qu’elle évoque sans détour. Certaines crises ont agi comme un électrochoc : l’obliger à se regarder en face, à questionner son organisation, son mode de management, son rapport au temps et à la charge mentale.

Elle en parle comme d’un moment où tout bascule, mais où se dessine une autre façon de faire : accepter la douleur, la transformer en apprentissage, repousser l’idée de subir et choisir au contraire de se reconstruire, plus lucide, plus exigeante, plus alignée.

Cette introspection conduit à des changements très concrets : ne plus accepter tous les chantiers coûte que coûte, poser des limites, mieux structurer l’entreprise, renforcer le collectif, protéger le noyau dur. Elle assume désormais pleinement cette phrase, simple mais déterminante : soit l’on avance, soit l’on s’enferme.

Ses collaborateurs en sont les premiers bénéficiaires. Elle veille à ce que l’ambiance de travail reste saine, que chacun trouve sa place et puisse être fier de ce qu’il réalise. Une fidélité s’est installée, rare dans un secteur où l’on peine souvent à recruter et à garder les talents.

Une signature : l’exigence, la sincérité et la fidélité au métier

Aujourd’hui, Les Jardins de Matthieu interviennent sur un large éventail de prestations, de la création de jardins privés à la végétalisation de terrasses, en passant par l’éclairage, les piscines ou l’entretien régulier d’espaces verts.

Mais au-delà du catalogue, une ligne se dessine : celle d’une entreprise qui préfère le travail bien fait à la course au gigantisme, qui garde le contact direct avec ses clients, qui assume son ancrage à Cugnaux et son rôle d’acteur économique local.

En filigrane, le style de Charlotte Carla se retrouve dans chaque projet : une attention aux usages concrets, une écoute réelle des familles, une conscience des enjeux climatiques, un souci d’esthétique qui ne sacrifie pas la fonctionnalité, une volonté de transmettre un métier à la nouvelle génération.

Son implication dans les réseaux patronaux, ses mandats professionnels, sa présence dans les concours nationaux, ses prises de parole publiques dessinent le portrait d’une dirigeante qui n’a pas choisi entre l’atelier, le bureau et l’engagement : elle occupe les trois, pleinement.

Au-delà du jardin : une façon d’habiter le monde

En racontant Charlotte Carla, c’est tout un métier que l’on raconte. Un secteur qui se professionnalise, qui se féminise doucement, qui innove, qui assume sa responsabilité dans la qualité de vie, la transition écologique et le cadre de vie des habitants.

Les Jardins de Matthieu ne sont pas seulement une belle entreprise de paysage près de Toulouse. Ils sont le résultat d’un chemin fait de risques, de travail, de remise en question, de convictions assumées.

Et au centre de ce chemin, il y a Charlotte Carla, qui fait du jardin un prolongement de sa propre façon d’habiter le monde : lucide, engagée, chaleureuse, exigeante, profondément humaine.

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