Sylvie Micoud : «Il est temps de changer de braquet»

Sylvie Micoud, directrice générale de Prévaly.

Sylvie Micoud, directrice générale de Prévaly.

En tant que directrice générale de Prevaly, service de santé au travail toulousain, Sylvie Micoud tire la sonnette d’alarme sur la santé des dirigeants.


 «La pandémie de COVID-19 a montré à quel point la santé et la sécurité au travail sont essentielles au fonctionnement de notre société et à la continuité des activités économiques.
Mais alors que tout est mis en place pour protéger les salariés, les «patrons» ont toujours été les grands oubliés du système de santé au travail français.
Dans le contexte sanitaire actuel, les chefs d’entreprise sont sous pression : incertitudes sur la continuité de l’activité, problèmes de trésorerie, crainte du dépôt de bilan, sentiment d’impuissance… Si l’Etat a débloqué des fonds extraordinaires pour les aider à tenir le coup, rien n’a été fait sur le volet de leur santé.
Aujourd’hui, le constat est inquiétant. L’Observatoire Amarok, association qui étudie la santé physique et mentale des travailleurs non-salariés (dirigeants, commerçants, indépendants, professions libérales et artisans) nous livre des chiffres alarmants. 50 % des dirigeants présentent un risque de burn-out. 88 % présentent un niveau de stress élevé. Un stress qui semble particulièrement néfaste pour les dirigeants de PME puisque d’autres études indiquent qu’ils sont 66 % à lier à une mauvaise santé et au stress du travail. Jusqu’à maintenant, rien n’était prévu pour la santé des chefs d’entreprise. Pourtant, le capital santé du dirigeant est le premier capital immatériel de la TPE/PME. C’est même le maillon principal pour la santé économique d’une entreprise. Conscients de cette situation, les acteurs de la santé au travail ont commencé à développer des accompagnements dédiés aux dirigeants. Cellules d’écoute, soutien en cas d’épuisement, entretiens médico-professionnels avec le médecin du travail… des actions mises en place dans certains services de prévention et de santé au travail, notamment en Occitanie où les services de Toulouse et Montpellier ont été précurseurs.

Comment éviter les situations critiques ?
Mais ces accompagnements font généralement suite à un appel au secours et interviennent quand le mal est déjà là et que le dirigeant est en détresse. On est loin des actions préventives qui ont pour vocation d’anticiper et éviter les situations critiques. C’est pourtant l’essence même de la Santé au travail. Il est temps de changer de braquet. Plus que jamais, la Santé au travail doit s’impliquer auprès des chefs d’entreprise et veiller à leur état de santé. Parue en Août 2021, la loi dite «santé au travail» comprend différentes dispositions qui visent notamment à renforcer la prévention au sein des entreprises, et à mieux définir l’offre de services fournie par les services de prévention et de santé au travail, tant aux salariés qu’aux non-salariés. Les décrets d’application sont annoncés pour 2022.  Cela va permettre d’instaurer une vraie prise en charge de la santé physique et psychique du dirigeant. Le chef d’une entreprise affiliée à un service de prévention et de santé au travail interentreprises pourrait bénéficier des mêmes services que ceux proposés à ses salariés. C’est une réelle avancée qui mérite d’être soulignée. »

Un outil pour sonder la santé des patrons
Prevaly, le Service de Santé au Travail de la région toulousaine suit 25 000 entreprises et 380 000 salariés et est un acteur majeur de la prévention et de la santé au travail. Sans attendre les évolutions réglementaires, Prevaly a lancé une action d’envergure auprès des 25 000 chefs d’entreprise adhérents dès cette fin d’année 2021. Au moyen d’un outil numérique, ils ont tous eu l’occasion de faire le point sur leur état de santé physique et mentale et ont pu demander à être pris en charge, en cas d’épuisement professionnel, par une équipe de professionnels de la santé au travail formés spécialement à l’acompagnement des dirigeants. Cette action qui cible les patrons de PME et TPE sera reconduite tous les 6 mois afin que chaque chef d’entreprise puisse mesurer l’évolution de son état et se faire aider avant que la situation ne soit trop critique.

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