Toulouse. Pourquoi la directive européenne CSRD est un défi majeur pour les entreprises européennes

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), parue au Journal Officiel de l'Union Européenne en décembre 2022, annonce une nouvelle ère pour le reporting extra-financier en Europe. Cette directive vise à renforcer les exigences en matière de données ESG (environnementales, sociales et de gouvernance), à étendre le champ d'application aux entreprises concernées, à standardiser les informations fournies, et à favoriser la transparence sur le long terme.

Plus d'une vingtaine personnes ont assisté à cette conférence de présentation organisée par le Medef de Haute-Garonne. (Photo : Dorian Alinaghi Entreprises Occitanie)

Plus d'une vingtaine personnes ont assisté à cette conférence de présentation organisée par le Medef de Haute-Garonne. (Photo : Dorian Alinaghi Entreprises Occitanie)

Au sein d'Onet à Labège (Haute-Garonne) le mardi 17 octobre 2023, la commission RSE du MEDEF 31 en partenariat avec Grant Thornton, a organisé une conférence sur le rapport de durabilité : approche et sensibilisation. Un éclaircissement judicieux pour un rapport qui semble assez complexe.

Dans le droit français d'ici fin 2024

La CSRD, ou Corporate Sustainability Reporting Directive, est une évolution majeure de la NFRD (Non-Financial Reporting Directive) de 2014. Elle établit un cadre de référence pour le reporting de durabilité avec des objectifs ambitieux. Premièrement, la standardisation et l'élargissement du champ d'application. La CSRD a pour but de renforcer et de standardiser les exigences en matière d'informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Elle élargit également le champ des sociétés concernées, incluant notamment les entreprises d'assurance et les établissements de crédit.

Deuxièmement, la transposition en droit national. La CSRD est une directive qui devra être transposée en droit français d'ici la fin de 2024. Elle s'inscrit dans le cadre plus large du plan d'action européen pour financer une croissance durable, ce qui la lie à d'autres évolutions réglementaires européennes, notamment le règlement SFDR et le règlement Taxonomy.

Troisièmement, le principe de double matérialité. Le futur reporting de durabilité évalue l'impact des facteurs ESG sur la valeur de l'entreprise, mais également l'impact de l'entreprise et de sa chaîne de valeur sur ces facteurs, conformément au principe de double matérialité. Quatrièmement, le rôle renforcé des organes de gouvernance. La CSRD renforce le rôle des organes de gouvernance, tant dans la gestion des risques de durabilité que dans la production du reporting. Elle encourage également la participation des parties prenantes. Cinquièmement, la standardisation des informations. La directive introduit des informations standardisées grâce à la mise en place de normes européennes, les ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces normes sont en cours de développement par l'EFRAG et seront adoptées par la Commission européenne.

Sixièmement, le lien avec le reporting financier. La CSRD crée un lien systématique entre le reporting de durabilité et le reporting financier, notamment en ce qui concerne la gestion des risques et l'impact des plans de décarbonation sur le bilan financier. Et le dernier point, la vérification externe. Le reporting de durabilité est désormais soumis à une vérification externe. Les données non-financières devront être traitées avec la même rigueur que les données financières.

Le calendrier de mise en oeuvre

La mise en œuvre de la CSRD se déroulera en plusieurs étapes :

- A partir de 2024 publication en 2025 : les grandes entreprises déjà soumises à la NFRD, notamment les sociétés cotées sur un marché réglementé de l'Union européenne, les entreprises d'assurance ou les établissements de crédit, ainsi que celles ayant plus de 500 salariés, un bilan supérieur à 20 millions d'euros ou un chiffre d'affaires dépassant 40 millions d'euros, devront se conformer à la CSRD. Ces seuils s'appliquent au niveau consolidé pour les groupes.

- A partir de 2025 publication en 2026 : toutes les grandes entreprises, indépendamment de leur forme juridique, seront concernées si elles dépassent deux des seuils suivants : 20 millions d'euros de bilan, 40 millions d'euros de chiffre d'affaires net, ou 250 salariés. Les groupes d'entreprises dépassant ces seuils seront également assujettis à la directive. Les SAS seront également concernées par l'obligation, contrairement au droit français actuel dans le cadre de la DPEF.

- A partir de 2026 publication en 2027 : les petites et moyennes entreprises (PME) au sens de la directive comptable seront soumises à la CSRD si elles répondent à au moins deux des seuils suivants : un bilan compris entre 0,35 et 20 millions d'euros, un chiffre d'affaires entre 0,7 et 40 millions d'euros, ou un effectif de 10 à 250 salariés. Cependant, les PME EIP (entités d'intérêt public) bénéficieront d'un reporting simplifié et pourront reporter leur conformité jusqu'en 2028.

- A partir de 2028 publication en 2029 : certaines entreprises ou groupes d'entreprises issus de pays hors de l'UE, avec un chiffre d'affaires européen supérieur à 150 millions d'euros et présents dans le périmètre de la CSRD, ou disposant d'une succursale en UE avec un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros, devront également se conformer à la directive.

Publication et vérification du reporting

La CSRD établit des règles précises pour la publication et la vérification du reporting de durabilité. Ce dernier doit être publié dans une partie dédiée du rapport de gestion, rendu public au format électronique unique européen (ESEF) dans le cadre du projet ESAP (European Single Access Point) et soumis à une vérification externe, portant sur la conformité des informations en matière de durabilité avec les exigences de la directive, y compris les indicateurs du règlement Taxonomy (voir encadré ci-dessous), le processus d'identification des informations à publier, et la digitalisation de l'information.

Les entreprises pourront choisir de faire effectuer cette vérification par un commissaire aux comptes, leur propre commissaire aux comptes ou par un organisme tiers d'inspection, sous réserve que la France saisisse cette option.

Dialogue social et règles de publication

La directive précise les modalités du dialogue social autour de ce rapport, en exigeant que la direction de l'entreprise informe les représentants des travailleurs et discute avec eux des informations pertinentes. L'avis des représentants des travailleurs doit être communiqué aux organes d'administration, de direction ou de surveillance concernés.

Pour les entreprises cotées, les règles préexistantes de publication du rapport de gestion s'appliquent. Pour les autres entreprises, les États membres pourront demander que le rapport de gestion soit mis à disposition du public sur leur site internet, ou qu'une copie écrite soit fournie sur demande si l'entreprise n'a pas de site internet. Un État membre peut également exiger une traduction du rapport du groupe dans une langue qu'il utilise, si une filiale présente sur son territoire bénéficie de l'exemption des filiales.

Enjeux pour les entreprises

La mise en place de ce nouveau reporting de durabilité présente plusieurs enjeux pour les entreprises, qu'elles soient nouvellement soumises à ces obligations ou qu'elles réalisent déjà une DPEF. Les entreprises doivent se préparer en :

- Identifiant si elles sont concernées par la CSRD et en respectant le calendrier de mise en œuvre

- Prenant en compte l'ensemble des réglementations en cours, comme la Taxonomie et le SFDR, pour identifier les indicateurs obligatoires et analyser la matérialité

- Anticipant les conséquences opérationnelles, en repensant les processus de gouvernance et de collecte des données, en formant les employés impliqués dans le reporting, en adaptant les systèmes d'information, et en budgétant les coûts associés, notamment ceux liés à l'audit

- Etant en veille sur les travaux de normalisation des indicateurs en cours, y compris les normes sectorielles et simplifiées pour les PME

- Des travaux parallèles de normalisation du reporting extra-financier sont également en cours au niveau international, avec l'objectif d'assurer la cohérence entre le reporting européen et les autres standards internationaux. Cela vise à éviter les doubles reporting pour les entreprises internationales ou les investisseurs non européens.

Processus législatif et réglementaire

La directive CSRD a été publiée au Journal Officiel de l'Union Européenne en décembre 2022. Chaque État membre doit désormais la transposer avant le 6 juillet 2024 en choisissant certaines options/adaptations permises par le texte. En France, la loi dite "DDADUE" autorise la transposition par ordonnance d'ici fin 2023. En parallèle, l'EFRAG est chargé par la Commission européenne d'établir les standards de reporting, suivant un processus comprenant la préparation de projets de standards, leur révision, et leur adoption par la Commission européenne.

La Taxonomie, un outil clé pour l'investissement durable
La Taxonomie européenne découle de la stratégie Finance Durable de la Commission européenne, publiée en 2018, qui vise à transformer la finance en un moteur de durabilité. Cette stratégie comporte plusieurs objectifs ambitieux, notamment :
- Réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables, couvrant des domaines tels que l'environnement, le social et la gouvernance (ESG)
- Intégrer la durabilité dans la gestion des risques financiers, mettant ainsi en lumière les enjeux ESG qui peuvent avoir un impact sur la stabilité financière
- Favoriser la transparence sur le long terme, permettant aux investisseurs et au public de prendre des décisions éclairées
Dans le cadre de la stratégie Finance Durable, le règlement Taxonomie a été mis en place pour concrétiser ces objectifs. Il établit des obligations de reporting pour les entreprises, tant financières que non-financières, en se basant sur une classification des activités économiques durables du point de vue environnemental. Cette classification a deux finalités essentielles : orienter les investissements vers des pratiques durables et faciliter la transition des activités économiques vers une économie plus verte.
Actuellement, la Taxonomie concerne principalement deux catégories d'acteurs. D'une part, les entreprises non-financières. il s'agit des entreprises de plus de 500 salariés, soumises à la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF). Cependant, avec la révision en cours de la directive NFRD, qui devrait se transformer en CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), il est probable que les critères d'application s'élargissent pour inclure toutes les entreprises comptant plus de 250 salariés. D'autre part, les entreprises financières. Cette catégorie englobe les établissements de crédit, les entreprises d'assurance et de réassurance, les gestionnaires d'actifs, ainsi que les entreprises d'investissement.
Pour les entreprises non-financières, la Taxonomie définit des critères permettant de classifier les activités économiques durables. Cela permet à ces entreprises de faire du reporting sur la part verte de leur chiffre d'affaires, de leurs investissements, ainsi que de leurs dépenses d'exploitation (Capex et Opex). En utilisant cette classification, les acteurs financiers peuvent également évaluer la part verte de leur portefeuille d'investissement.
La Taxonomie s'appuie sur une liste de 6 objectifs environnementaux fondamentaux : atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines, transition vers une économie circulaire, prévention et réduction de la pollution, protection et Restauration de la biodiversité et des écosystèmes. 
En utilisant ces critères, les entreprises peuvent évaluer et communiquer sur leur engagement en faveur de la durabilité environnementale, offrant ainsi aux investisseurs des informations essentielles pour prendre des décisions d'investissement responsables.

A lire aussi