Toulouse. U-Space lève 24 millions d’euros et vise le marché mondial des constellations de satellites

Le constructeur toulousain de petits satellites poursuit son passage à l’échelle industriel et commercial : après une première levée de 7 millions en 2022, U-Space annonce une série A de 24 millions d’euros qui doit financer l’industrialisation de l’U-Zine, le renforcement logiciel et son déploiement à l’export vers l’Asie-Pacifique, le Moyen-Orient et au-delà.

Fabien Apper, CEO de U-Space. (Photo U-sapce)

Fabien Apper, CEO de U-Space. (Photo U-sapce)

U-Space annonce une levée de 24 millions d’euros en série A menée par Blast, Definvest (le fonds du ministère des Armées géré par Bpifrance) et Expansion, rejoints par Primo Capital via son fonds Primo Space, Karot Capital, ARIS et Vertech Finance. Cette nouvelle injection de capitaux fait suite à une première levée de 7 millions réalisée en 2022 et marque, selon le communiqué, la confiance renouvelée des partenaires historiques ainsi que l’arrivée de nouveaux acteurs au tour de table.

La société met en avant la combinaison d’un héritage technique déjà matérialisé en orbite et d’un positionnement industriel lui permettant d’adresser la demande croissante pour des constellations de petits satellites. À ce titre, U-Space revendique trois satellites actuellement en vol et une dizaine d’unités supplémentaires en production et livraison prévues sur les douze prochains mois.

Passage à l’échelle : l’« U-Zine » et l’industrialisation inspirée de l’automobile

Pour répondre aux exigences de volume et de compétitivité du marché des constellations, U-Space opère une montée en cadence industrielle autour de son site de production baptisé « U-Zine ». Sur une surface dédiée de 850 m² de salles blanches, l’entreprise a conçu des lignes et des process industriels qui s’inspirent des meilleures pratiques de l’automobile afin d’industrialiser la production de satellites modulaires. Le financement obtenu servira à accélérer le volet logiciel indispensable pour automatiser et fiabiliser ces chaînes. L’objectif affiché est ambitieux : atteindre la production d’un satellite par semaine d’ici 2027, avec pour horizon une cadence encore supérieure in fine.

Alexis Bès de Berc, investment manager chez Blast, souligne ce tournant : « au cours des dernières années, U-Space a su démontrer sa capacité à structurer une équipe solide et des process industriels. Cette nouvelle phase marque un tournant stratégique, avec le passage à l'échelle de la production et le déploiement à l'international. »

Un portefeuille technologique et commercial déjà concret

U-Space se présente comme intégrateur industriel complet, maîtrisant l’ensemble de la chaîne, de la conception aux opérations en vol via son centre de contrôle basé à Toulouse. La société propose des plateformes modulaires — notamment les formats 12U et FreeForm — et des solutions logicielles propres, éléments mis en avant comme des différenciateurs face aux concurrents. Le constructeur met également en avant des contrats signés avec des acteurs majeurs du secteur français, citant notamment le CNES et Safran, ainsi qu’un succès commercial récent aux Émirats arabes unis avec le National Space Science and Technology Center (NSSTC).

Fabien Apper, président et co-fondateur de U-Space, confirme la stratégie commerciale : « il y a dans ces régions un dynamisme technologique remarquable ainsi qu’une forte volonté de développer leur économie spatiale. Ce sont des marchés stratégiques que nous pouvons accompagner tant sur des programmes gouvernementaux que commerciaux. »

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Les satellites de nouvelle génération développés par U-Space préfigurent les futures constellations européennes destinées à conquérir les marchés mondiaux. (Phot U-Space)

Des investisseurs aux profils complémentaires et un ancrage stratégique

Le tour réunit des investisseurs aux profils variés, mêlant fonds privés et véhicules soutenus par des acteurs publics ou à mission. Definvest, porté par la DGA et Bpifrance, est présenté comme un partenaire stratégique cherchant à renforcer l’autonomie industrielle dans les secteurs critiques de la BITD (base industrielle et technologique de défense).

François Charbonnier, directeur d'investissement chez Bpifrance, indique que U-Space « contribue activement aux ambitions souveraines du pays dans le champ spatial » et justifie le renouvellement du soutien du fonds. De leur côté, les investisseurs privés mettent en avant la qualité des équipes et la fiabilité des systèmes déjà démontrés en orbite : « Avec plusieurs satellites lancés dont le premier satellite SSA européen, U-Space démontre d'ores-et-déjà un fort héritage spatial et une grande fiabilité de ses systèmes en orbite », estime Charles Beigbeder, fondateur d’Expansion.

Les apports complémentaires des nouveaux entrants sont aussi mis en exergue : Primo Capital, via Primo Space, porte un regard européen et méditerranéen sur l’économie spatiale et souligne le potentiel commercial d’U-Space. L’ARIS, fonds d’investissement à mission régionale, et Vertech Finance, fonds d’impact, rappellent quant à eux l’attachement à des objectifs de souveraineté industrielle et de transition écologique. Les caractéristiques financières des différents investisseurs — des engagements publics significatifs à des véhicules privés aux montants importants — confèrent au tour une assise pertinente pour soutenir l’industrialisation à grande échelle.

Quelles ambitions pour la filière et quelles conséquences pour Toulouse ?
La trajectoire d’U-Space illustre une dynamique plus large observée sur l’écosystème spatial français et européen : montée en compétences industrielles, montée en cadence, et conquête de marchés export. L’ancrage toulousain — avec l’atelier de production et le centre d’opérations — devrait également contribuer à renforcer les emplois qualifiés et les chaînes d’approvisionnement locales, surtout si la cadence de production se rapproche des objectifs annoncés. Pour la filière, la capacité d’un acteur à produire en série des satellites modulaires représente une pièce maîtresse dans la construction d’offres de constellation compétitives et souveraines.

Un pas vers l’international, avec des enjeux de compétitivité et de souveraineté

Portée par des contrats et une feuille de route industrielle, la jeune entreprise entend désormais se projeter résolument à l’export. L’Asie-Pacifique et le Moyen-Orient apparaissent comme des priorités commerciales, marchés identifiés pour leur dynamisme et leurs ambitions spatiales. Cette ouverture internationale s’accompagne cependant de défis opérationnels et géopolitiques : garantir la robustesse des chaînes logistiques, sécuriser les approvisionnements critiques, et préserver la souveraineté technologique tout en construisant des partenariats commerciaux durables.

En se positionnant comme intégrateur complet — de la conception à l’exploitation — et en s’appuyant sur une combinaison d’investisseurs publics et privés, U-Space se donne les moyens de viser le statut de constructeur européen de référence pour les constellations de petits satellites. Reste à transformer ces promesses industrielles et commerciales en volumes effectifs et en impacts économiques concrets pour la région toulousaine et pour la filière spatiale européenne.

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