Le Medef Haute-Garonne, la CPME 31, la FBTP 31 et de l’UIMM Occitanie, organisent un rassemblement inédit qui se tiendra lundi au Palais des Sports de Toulouse. Dans un contexte de tensions politiques, de fiscalité croissante et d’incertitudes économiques, les organisations patronales souhaitent porter un message commun : alerter sur une situation devenue critique pour les entreprises et réclamer une vision claire pour l’avenir.
Pierre-Olivier Nau, président du Medef Haute-Garonne. (Photo Brigitte Hincelin)
La mobilisation prévue ce lundi constitue un événement peu fréquent dans le paysage économique local : plusieurs organisations patronales, habituellement engagées dans leurs propres combats, se présenteront unies pour porter la même voix. Si cette unité survient aujourd’hui, c’est que, selon leurs représentants, la situation est arrivée à un point de tension inédit.
Pierre-Olivier Nau, président du Medef Haute-Garonne, décrit un climat de lassitude généralisée : « les chefs d’entreprise ont le sentiment d’être considérés comme des variables d’ajustement. Ils constatent chaque jour une pression qui s’accroît, alors même qu’ils créent l’activité et l’emploi. » Il déplore une forme d’aveuglement politique : « C’est fou d’avoir à ce point une atrophie du cerveau quand on oublie que la richesse d’un pays repose sur ses entreprises, ses entrepreneurs et ses salariés. »
Cette prise de parole commune se veut avant tout un appel à la responsabilité. Les organisations affirment que ce rassemblement n’a rien d’un geste symbolique : il se veut un signal fort adressé aux décideurs publics, au moment où les entreprises jugent que les conditions de compétitivité se dégradent et compromettent leur avenir.
Une pression fiscale jugée insoutenable
Au cœur de l’inquiétude figure la montée continue de la fiscalité. Le projet de budget 2025 pourrait, selon les organisations patronales, générer près de vingt milliards d’euros de charges ou d’impôts supplémentaires pour les entreprises. Une perspective que Pierre-Olivier Nau qualifie « d’impensable », dans un contexte où la France souffre déjà d’un écart de compétitivité marqué avec ses voisins européens.
Il rappelle l’importance de respecter les engagements pris : « aller au bout de la suppression de la CVAE n’est pas une option. Les entreprises ont besoin de visibilité et de cohérence. » Il se dit également opposé à l’idée d’un sur-IS réservé aux grandes entreprises, une mesure qui, selon lui, créerait des effets en cascade : « les grands groupes font travailler des milliers de PME en sous-traitance. Une telle mesure pourrait entraîner des suppressions de contrats et fragiliser tout un tissu local. »
La multiplication des fiscalités sectorielles suscite, elle aussi, l’inquiétude. Le président du Medef 31 cite les taxes envisagées dans la santé ou l’aérien, qu’il décrit comme « des signaux contraires aux ambitions de souveraineté industrielle ».
Il estime que la France envoie aujourd’hui des messages contradictoires : « on nous explique qu’il faut être souverains sur l’énergie, les transports ou les médicaments, et dans le même temps on impose des normes et des taxes qui poussent les initiatives entrepreneuriales à s’installer ailleurs. »
L’instabilité politique, un frein majeur aux décisions d’investissement
Au-delà de la pression fiscale, les chefs d’entreprise disent évoluer dans une situation d’instabilité politique qui brouille complètement leur visibilité. Le report possible des décisions budgétaires à 2026, évoqué au Parlement, inquiète les dirigeants, qui y voient un prolongement de l’incertitude jusqu’à la présidentielle de 2027.
Cette absence de cap n’est pas sans conséquence sur les négociations internes. Pierre-Olivier Nau insiste sur les impacts immédiats : « les entreprises qui vont ouvrir leurs négociations annuelles obligatoires, en début d’année, ne savent pas sur quel pied danser. Si la fiscalité augmente de 10%, il devient impossible d’ajuster les salaires, d’envisager des variables ou des plans d’intéressement. »
Selon lui, cette situation conduit à un « gel » des décisions d’investissement et de développement. Les entreprises, incapables de se projeter, diffèrent leurs projets, ce qui contribue à « un retard dingue » au moment où la compétition internationale s’intensifie.
Des propositions concrètes pour sortir de l’impasse
Face à ce contexte, les organisations patronales affirment vouloir dépasser la simple protestation. Pour Pierre-Olivier Nau, l’un des enjeux du rassemblement est d’apporter des pistes d’action concrètes, en s’appuyant notamment sur les travaux économiques du front économique.
Parmi ces leviers, plusieurs priorités émergent : maintenir l’égalité d’imposition entre entreprises, préserver les aides à l’apprentissage pour accompagner la formation des jeunes, supprimer les fiscalités nouvelles créées ces derniers mois et simplifier les normes pour accélérer la construction d’ateliers et d’usines.
Pierre-Olivier Nau illustre cette dernière mesure : « il faut en moyenne un an et demi pour implanter une usine en France, contre six mois ailleurs en Europe. Ce décalage nous pénalise directement. »
Pour les organisations, la simplification administrative n’est plus un souhait mais une nécessité vitale. Elles réclament également une meilleure prise en compte de la réalité économique dans les décisions publiques, évoquant « une dépendance excessive de l’État aux recettes issues des entreprises », qui, selon elles, ne peut plus constituer un modèle durable.
Une union patronale sans précédent pour une cause commune
La mobilisation de lundi révèle un fait rare : les organisations patronales se présentent unies, sans divergence apparente. L’explication tient, selon Pierre-Olivier Nau, à la gravité du moment : « il y a beaucoup plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous divisent. Aujourd’hui, il n’y a même pas l’épaisseur d’un papier à cigarette entre nous. »
Cette unité s’explique aussi par l’ampleur des conséquences observées sur le terrain. Toutes les tailles d’entreprises sont concernées, des grands groupes aux TPE. Les organisations affirment que le sentiment d’épuisement est général, qu’il s’agisse de la charge normative, des taxes nouvelles, des difficultés de recrutement ou d’une augmentation des coûts non anticipée.
L’image qui revient dans les propos du président du Medef 31 est celle d’un « éléphant au milieu de la pièce », que plus personne ne peut ignorer. Il évoque « une économie qui souffre » et des parlementaires qui « jouent aux apprentis sorciers avec les finances publiques », au risque d’aveugler les entreprises.
Un appel à la responsabilité et à la lucidité
À travers cette mobilisation, les organisations patronales souhaitent exprimer un message clair : la situation n’est plus tenable, et l’économie locale ne peut continuer à absorber des contraintes successives sans risquer une réelle dégradation. Elles appellent à replacer les entreprises au cœur de la réflexion budgétaire et politique, dans un esprit de responsabilité partagée.
« Si rien ne change, ce sont des investissements qui s’évanouissent, des projets qui ne verront pas le jour et une perte de compétitivité durable », insiste Pierre-Olivier Nau. Pour les organisations, l’enjeu dépasse la seule actualité budgétaire : il concerne la pérennité du tissu entrepreneurial et la capacité du territoire à créer des emplois, de la valeur et de l’innovation.