Occitanie. La Cour des Comptes pointe les "déficits" dans la majorité des aéroports de la région

Dans une enquête nationale menée par la Cour des comptes, la chambre régionale des comptes Occitanie a minutieusement examiné la stratégie aéroportuaire de la région, ainsi que la situation des sept plateformes aéroportuaires régionales : Tarbes-Lourdes, Carcassonne, Perpignan, Béziers, Nîmes, Rodez et Castres-Mazamet.

Ryanair est la compagnie low-cost la plus présente dans les aéroports occitans. (Photo d'illustration : Pixabay)

Ryanair est la compagnie low-cost la plus présente dans les aéroports occitans. (Photo d'illustration : Pixabay)

En 2019, la France comptait 73 aéroports. 41 plateformes (dont 7 en Occitanie, hors Montpellier et Toulouse-Blagnac) ont reçu cette même année entre 10 000 et 3 millions de passagers commerciaux. Cette analyse offre un aperçu de l'état actuel de l'aviation en Occitanie, des questions cruciales liées au maillage aéroportuaire et du financement public associé, tout en abordant les préoccupations environnementales.

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Les zones d’attraction des aéroports occitans (ainsi que l’aéroport de Pau-Pyrénées). (Document : Chambre régionale des comptes d'Occitanie)

L'état des lieux en Occitanie

Au sein de la région Occitanie, la carte aéroportuaire régionale n'a guère évolué depuis les années 2000, avec neuf aéroports dotés d'une capacité théorique maximale de près de 17 millions de passagers par an. Entre 2017 et 2019 (avant la pandémie), les aéroports occitans ont accueilli en moyenne 13,3 millions de passagers, soit environ 80 % de leurs capacités totales. En 2019, Toulouse (Haute-Garonne) et Montpellier (Hérault) ont dominé le paysage avec 71,5 % et 14,4 % du trafic aéroportuaire régional, respectivement, tandis que les sept autres plateformes ont partagé environ 14 % du trafic.

Cette période a également enregistré une augmentation significative du trafic régional de 17 %, principalement due à Toulouse et Montpellier. Cependant, la crise sanitaire a eu un impact sévère sur l'ensemble du secteur, entraînant une baisse moyenne de 72 % de l'activité, notamment dans les aéroports dépendant des compagnies à bas coût.

S'adapter aux besoins locaux

Trois caractéristiques distinctes peuvent être observées pour les aéroports de la région Occitanie. En premier lieu, leur rôle international. "Ces aéroports cherchent activement à attirer des passagers étrangers, principalement en provenance d'Europe du Nord, dans le but de stimuler l'économie locale et de générer des retombées économiques positives." explique Valérie Renet, la présidente de la Chambre régionale des comptes (CRC) d'Occitanie.

En deuxième lieu, l’adaptation aux besoins locaux. L'aéroport de Carcassonne (Aude) joue un rôle essentiel dans le maintien des activités militaires, notamment pour l'entraînement des parachutistes et la sécurité civile. Sa position géographique est stratégique en raison des risques d'incendie et d'inondation. Il abrite également une antenne de l'École Nationale de l'Aviation Civile (ENAC) et dispose d'un héliport. Valérie Renet détaille :

"Les plateformes aéroportuaires de Perpignan (Pyrénées-Orientales) et Tarbes (Hautes-Pyrénées) soutiennent une industrie aéronautique spécifique, en particulier à Tarbes. L'aéroport de Perpignan est équipé d'un héliport. L'aéroport de Tarbes-Lourdes peut accueillir simultanément un grand nombre de passagers et une proportion significative de passagers en situation de handicap, ce qui en fait une option adaptée pour les pèlerinages. L'aéroport de Béziers (Hérault), situé à proximité de zones touristiques importantes, propose des liaisons aériennes vers plusieurs destinations en Europe, principalement dans le Nord. Il est desservi uniquement par la compagnie à bas coût Ryanair. Il est également utilisé pour la formation au pilotage, à la fois par les aéroclubs et par l'École Nationale de l'Aviation Civile (ENAC). L'aéroport de Nîmes (Gard) dispose d'une piste en béton d'environ 2 500 mètres de long. Cela en fait un atout pour les entreprises ayant besoin d'un accès en bord de piste. Il a été utilisé pour des activités militaires, jusqu'en 2011, et plus récemment par la Sécurité civile, devenant un pôle national pour les opérations aériennes de secours et de sécurité civile, avec une dimension européenne. Les aéroports de Rodez (Aveyron) et Castres (Tarn) contribuent au désenclavement de régions mal desservies, jouant un rôle similaire à celui de Carcassonne pour les activités militaires, y compris l'entraînement des parachutistes."

Le poids de Ryanair

En dernier lieu, la présence marquée des compagnies à bas coûts. À l'exception de Castres, tous les aéroports de la région Occitanie proposent des liaisons à bas coût dans des proportions significatives. Les aéroports de Carcassonne, Béziers et Nîmes ne proposent que des liaisons à bas coût, avec Ryanair comme unique transporteur, et ces vols desservent exclusivement des destinations étrangères. 

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La question du maillage aéroportuaire

Le maillage aéroportuaire d'Occitanie présente une densité variable selon les régions. Il est dense sur le littoral et dans la région de Bigorre, adapté dans d'autres zones, mais fait défaut dans les zones à faible densité ou montagneuses, telles que l'Ariège, la Lozère, le sud de l'Aveyron et l'ouest du Gers. Cette situation interpelle en regard des directives européennes qui encouragent l'utilisation efficace des ressources publiques, la limitation des distorsions et l'évitement de la multiplication d'aéroports non rentables dans une même zone d'attraction.

La région compte plusieurs aéroports situés dans une fourchette d'activité qui les soumet à un contrôle de la légalité des aides publiques octroyées, notamment en raison de chevauchements d'aires d'attraction, notamment entre Nîmes, Montpellier et Béziers, ainsi qu'entre Tarbes et Pau (Pyrénées-Atlantiques).

« En effet, la région Occitanie comporte un certain nombre d’aéroports situés dans une fourchette d’activité (en nombre de passagers) qui les soumet à un contrôle de la légalité des aides publiques octroyées. Les aides publiques pour les aéroports de moins de 700 000 passagers sont possibles sous réserve de remplir plusieurs conditions. Parmi celles-ci, un éloignement minimal des plateformes (plus de 100 km ou plus d’une heure de voiture) est attendu. Or, ces seuils d’éloignement ne sont pas respectés partout dans la région, en particulier en zone littorale (chevauchement des aires d’attraction entre Nîmes, Montpellier et Béziers) et à l’ouest (concurrence entre Tarbes et Pau) », précise Valérie Renet.

Le financement des plateformes aéroportuaires

Les aéroports occitans affichent une diversité de situations financières, avec la plupart enregistrant des déficits considérables. Les collectivités locales ont octroyé d'importantes subventions pour soutenir ces aéroports, en particulier ceux dépendant des compagnies à bas coût. Le modèle low-cost implique des subventions publiques sous forme de remises commerciales ou de contrats de marketing. Ces subventions représentent une somme considérable, dépassant largement les retombées économiques générées par l'écosystème aéroportuaire.

Par exemple, les contrats de marketing pris en charge par les aéroports contrôlés représentent 11 millions d'euros par an d'argent public versés aux compagnies low-cost, notamment Ryanair en Occitanie. La présidente de la Chambre régionale des comptes (CRC) d'Occitanie entre dans ces détails financiers :

« La surface financière, mesurée par les produits d’exploitation enregistrés par chaque plateforme de 2017 à 2019 (avant COVID), est de 56 M€/an pour les sept aéroports contrôlés. Les aéroports de Castres et de Rodez sont ceux présentant les produits les plus faibles (inférieurs à 4,5 M€). Celui de Tarbes-Lourdes est celui qui dispose de la surface financière la plus importante, suivi de près par Perpignan (de l’ordre de 12 M€). Les sept aéroports n’ont pas dégagé de résultat d’exploitation positif sans subventions publiques au cours de la période 2017/2019 (avant la crise sanitaire). Les plateformes de Béziers et de Carcassonne étaient celles qui présentaient la situation la plus dégradée (déficits respectifs annuels de 3,5 M€ et 3 M€) tandis que celles de Tarbes-Lourdes et Nîmes étaient les moins éloignées de l’équilibre (déficits de l’ordre de 1 M€ par an) » ajoute-t-elle.

Les collectivités locales justifient ce soutien public par les retombées économiques, que la région fait régulièrement évaluer par un cabinet-conseil. La dernière étude portant sur l'année 2019 indique que l'activité économique de l'écosystème aéroportuaire régional générerait environ 4,1 Md€ de chiffre d'affaires annuel (dont 2,7 Md€ n'incluant pas les activités des constructeurs aéronautiques) et près de 2 Md€ de produit intérieur brut, dont 1,5 Md€ sur son territoire. Le secteur aéroportuaire mobiliserait 21 000 emplois en Occitanie.

Ces retombées économiques importantes doivent être comparées aux plus de 28 M€ de contributions versées par les différents acteurs publics (en moyenne annuelle entre 2017 et 2019), dont près de 43 % en provenance de la région Occitanie. Ce chiffre inclut à la fois les subventions d'équilibre des collectivités locales (17,2 M€) ainsi que le financement des trois lignes d'aménagement du territoire (6,4 M€) et les subventions d'investissement (4,5 M€).

Impact environnemental et gain de temps

L'utilisation de l'avion pour gagner du temps par rapport au train a des conséquences environnementales significatives. Les économies de temps réalisées en avion ont un coût environnemental élevé, avec des émissions de gaz à effet de serre bien supérieures à celles du train. Par exemple, les 44 minutes gagnées en avion entre Perpignan et Paris sont 62 fois plus impactantes pour le climat que le même trajet en train, et plus de 107 fois pour le trajet entre Tarbes et Paris.

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Comparaison des temps d’accès à la capitale en « vie réelle » en fonction du mode de transport.

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