Occitanie : un territoire en résistance face aux incertitudes économiques

Malgré un ralentissement de l’activité, l’Occitanie conserve des points d’appui industriels, tandis que la construction, la consommation et l’agriculture restent fragilisées.

Fin mars 2025, l’Occitanie comptait 8 900 salariés de moins qu’un an auparavant, soit la plus forte baisse annuelle de l’emploi régional hors crise sanitaire depuis 2010. (Photo Pixabay)

Fin mars 2025, l’Occitanie comptait 8 900 salariés de moins qu’un an auparavant, soit la plus forte baisse annuelle de l’emploi régional hors crise sanitaire depuis 2010. (Photo Pixabay)

En 2024, l’Occitanie a fait face à une conjoncture complexe, marquée par un climat d’incertitude politique et économique, tant au niveau national qu’international. Si la croissance économique française a été soutenue par les dépenses publiques et un recul des importations, l’investissement privé et la consommation n’ont pas connu la même dynamique. Ce contexte a pesé sur l’activité régionale, qui progresse légèrement, mais de manière nettement plus modérée qu’en 2023.

Un ralentissement global, amorti par l’industrie

Sur un an, l’augmentation de l’emploi salarié en Occitanie s’établit à +0,2 %, contre +0,8 % l’année précédente. Cette progression modérée s’explique par une dynamique contrastée selon les secteurs. L’industrie régionale, portée notamment par l’aéronautique, enregistre une croissance de 1,6 % du volume de travail rémunéré entre les quatrièmes trimestres 2023 et 2024. À l’opposé, le commerce, les activités de loisirs et la construction continuent de fléchir, malgré un ralentissement de l’inflation.

« La bonne tenue de l’industrie compense une moins bonne santé dans le commerce et la construction », analyse François Hild, auteur de la publication régionale de l’Insee.

La construction traverse une période difficile : le volume de travail rémunéré y baisse de 3,9 %, contre -2,9 % au niveau national. L’année 2024 marque également un recul des mises en chantier de logements, qui chutent de 5,2 % pour atteindre leur plus bas niveau historique avec 31 300 logements commencés. Seul un rebond en fin d’année, grâce aux logements collectifs, limite davantage la dégradation.

Des disparités marquées entre départements

Le Lot (+1,0 %) et les Hautes-Pyrénées (+0,9 %) se distinguent comme les départements les plus dynamiques de la région, bénéficiant directement de l’élan de l’industrie aéronautique. À l’inverse, la Haute-Garonne subit un net ralentissement, en raison d’un coup de frein dans les activités tertiaires liées à cette filière. Le Tarn-et-Garonne (+0,4 %) et le Gard (+0,5 %) tirent leur épingle du jeu grâce à des services aux particuliers et aux entreprises qui résistent.

Dans plusieurs autres départements, l’activité stagne, voire recule, pénalisée par la baisse du commerce et les difficultés persistantes dans la construction.

Une création d’emploi au ralenti, un chômage en léger repli

En 2024, l’Occitanie gagne 3 500 salariés, loin des 17 300 supplémentaires enregistrés en 2023. L’emploi public progresse de 0,5 % (soit 2 400 emplois), tandis que l’emploi privé est presque stable (+0,1 %, soit +1 100). Sur cinq ans, la dynamique reste portée par le privé, avec une hausse de 7 % contre 4,5 % pour le public.

Malgré la faible progression de l’emploi, le taux de chômage régional diminue légèrement pour atteindre 8,7 %, restant l’un des plus élevés de France métropolitaine aux côtés des Hauts-de-France. Cette baisse s’explique notamment par un ralentissement de la population active et un certain découragement parmi les demandeurs d’emploi.

L’aéronautique toujours en vol, mais des retombées contrastées

Avec 766 livraisons d’avions réalisées par Airbus en 2024 (+31 par rapport à 2023), la filière aéronautique continue de jouer un rôle structurant dans l’économie régionale. Le trafic aérien mondial en hausse de 10 % alimente la demande. Toutefois, la montée en cadence est ralentie par les difficultés d’approvisionnement.

Dans le spatial, les perspectives sont plus sombres. La concurrence américaine dans les satellites entraîne des suppressions d’emplois. Au final, l’emploi dans les établissements industriels de la filière aérospatiale progresse de 2,5 %, mais recule de 2,7 % dans les services tertiaires associés, comme le conseil en ingénierie ou les services informatiques. L’ensemble de la filière régionale ne voit son effectif augmenter que de 0,4 % en 2024.

Des signaux divergents dans le tourisme et l’immobilier

Après trois années de hausse, la fréquentation touristique en Occitanie se stabilise. La reprise se poursuit dans les résidences de tourisme et les hébergements collectifs urbains, notamment à Lourdes, mais la fréquentation recule sur le littoral. Les nuitées de touristes étrangers progressent de 4,5 %, tandis que celles des touristes français diminuent de 1,4 %.

Dans l’immobilier, un frémissement se fait sentir. Les ventes d’appartements neufs augmentent de 4,6 %, stimulées par une baisse des taux et des prix au m². En revanche, les ventes de maisons neuves plongent de 22 %. La production de crédits à l’habitat reste en baisse (-19 %), poursuivant le recul amorcé en 2023 (-35 %).

Entreprises : plus de créations, mais aussi plus de défaillances

Avec 102 500 nouvelles entreprises créées (+6,3 %), l’Occitanie établit un nouveau record, tiré par la dynamique des micro-entrepreneurs, dont les immatriculations progressent de 9 % et représentent 68 % du total. Le secteur du transport, notamment les activités de coursiers, concentre la moitié des créations.

Dans le même temps, les défaillances d’entreprises continuent d’augmenter (+14 %), dépassant leur niveau moyen d’avant la crise sanitaire. Une tendance alimentée par les hausses de coûts, notamment énergétiques, et les tensions sur la trésorerie des entreprises.

Une agriculture mise à rude épreuve

L’année 2024 n’épargne pas l’agriculture régionale. À l’ouest, les excès de précipitations freinent la production, tandis que le pourtour méditerranéen subit une sécheresse persistante. La viticulture affiche un recul de 9 %, particulièrement prononcé dans les Pyrénées-Orientales et l’Aude.

Les cultures céréalières et oléagineuses pâtissent d’une météo défavorable, entraînant une baisse des surfaces et des rendements, notamment pour le blé tendre (-20 % de surface, -8 % de rendement). À cela s’ajoute une diminution marquée des prix payés aux producteurs. Seule la filière du canard gras semble retrouver une stabilité après les épisodes de grippe aviaire, tandis que les éleveurs d’herbivores sont confrontés à des problèmes sanitaires.

Début 2025 : un repli discret de l’activité, une stabilité fragile de l’emploi

Le premier trimestre 2025 confirme un ralentissement de l’économie régionale amorcé fin 2024. En Occitanie, le volume d’heures rémunérées, indicateur clé de l’activité, recule de 0,3 % par rapport au même trimestre de l’année précédente. Il s’agit de la première baisse interannuelle depuis la crise sanitaire.

Le repli d’activité est particulièrement marqué dans l’information et la communication (-3 %), les services aux ménages (-1,7 %) et le commerce (-1,1 %). L’industrie résiste (+0,8 %), mais cette croissance reste modeste par rapport à la dynamique de 2024. Dans la construction, le recul se poursuit avec une baisse de 2,4 % des heures rémunérées sur un an.

« Le tassement de l’activité est désormais perceptible dans la majorité des départements », souligne l’Insee. Seuls l’Aveyron (+0,4 %), les Hautes-Pyrénées (+0,9 %) et, dans une moindre mesure, le Lot (+0,7 %), font exception, bénéficiant d’une hausse d’activité dans la construction.

L’emploi salarié se stabilise mais reste en repli sur un an

Au 1er trimestre 2025, l’emploi salarié recule de 0,1 % en Occitanie, ce qui représente une perte de 8 900 emplois sur un an. C’est la plus forte diminution annuelle depuis 2010 hors période de confinement. L’emploi est stable dans l’industrie, malgré un ralentissement du segment aéronautique, et progresse dans les services non marchands. En revanche, il diminue dans la construction et les services marchands.

L’emploi intérimaire, indicateur avancé des tensions du marché du travail, continue de se contracter (-0,4 %), après une forte baisse fin 2024 (-5,1 %). Sur un an, il recule de 6,6 %, particulièrement dans la construction.

L’industrie préserve ses effectifs, mais la filière aérospatiale recule

Dans l’industrie, l’emploi reste quasi stable ce trimestre (-0,1 %) et progresse de 0,5 % sur un an, porté notamment par le secteur de l’énergie, de l’eau et de la gestion des déchets. À l’inverse, la fabrication de matériels de transport est en retrait.

L’aéronautique entre dans une phase de correction. L’emploi dans la filière recule de 0,5 % au premier trimestre 2025, soit une perte nette de 600 postes. Les établissements tertiaires (ingénierie, services informatiques, études techniques) sont les plus touchés, enregistrant des baisses pouvant aller jusqu’à -1,7 % pour certaines catégories d’emplois. Le ralentissement des livraisons d’Airbus, désormais à 45 appareils par mois contre 47 début 2024, pèse également sur l’ensemble de la chaîne.

Une situation contrastée sur le marché du logement

Après un rebond fin 2024, la construction de logements connaît une nouvelle inflexion au 1er trimestre 2025. Les logements commencés diminuent de 11,3 %, essentiellement dans le collectif. Toutefois, les logements individuels progressent de 5,6 % sur le trimestre.

Sur douze mois glissants, les mises en chantier atteignent 31 400 logements (+0,5 %), tirées par de fortes hausses dans l’Aude (+28,7 %) et en Haute-Garonne (+17,5 %). À l’inverse, sept départements, dont l’Hérault, le Gers et le Tarn, enregistrent un repli des autorisations. La dynamique reste en revanche positive pour les locaux professionnels, dont les surfaces autorisées augmentent de 23,7 % sur un an.

Légère hausse du chômage, mais maintien global

Le taux de chômage en Occitanie s’établit à 8,8 % au premier trimestre 2025, en très légère hausse sur le trimestre (+0,1 point). Il reste largement supérieur à la moyenne nationale (7,4 %). Des écarts subsistent selon les territoires, allant de 4,7 % en Lozère à 12,0 % dans les Pyrénées-Orientales. La situation se détériore notamment en Haute-Garonne (+0,3 point) et dans le Gers (+0,2 point).

Les jeunes subissent une précarité renforcée. L’emploi des moins de 30 ans diminue fortement (-1,9 % pour les 15-29 ans), notamment dans les secteurs de l’intérim, du commerce et des services informatiques. À l’inverse, l’emploi des seniors progresse de 2,1 %, soit 6 200 emplois supplémentaires en un an.

Créations d’entreprises en léger repli, défaillances en hausse

Au 1er trimestre 2025, les créations d’entreprises fléchissent légèrement (-0,7 %), tout en demeurant à un niveau élevé avec 25 700 créations. Le statut de micro-entrepreneur recule de 1,1 %, tandis que les entreprises classiques se maintiennent. Les créations progressent dans l’industrie (+5,2 %) et les services (+0,6 %), mais se replient dans le commerce, le transport et la construction.

Les défaillances d’entreprises poursuivent leur progression (+8,2 % sur un an), avec 6 000 procédures enregistrées entre avril 2024 et avril 2025. L’aggravation touche particulièrement l’information-communication (+20 %), les activités immobilières (+17 %), et la construction (+14 %).

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