Occitanie : une nouvelle stratégie régionale pour protéger, anticiper et transformer le territoire

Face à l’accélération des crises climatiques, économiques, sociales et géopolitiques, la Région Occitanie dévoile une ambitieuse feuille de route baptisée Occitanie Résiliente. Objectif : renforcer la capacité du territoire à affronter les vulnérabilités, consolider ses atouts et engager une transformation profonde, en s’appuyant sur un modèle décentralisé, solidaire et adapté à l’urgence. Cette stratégie, présentée à l’issue d’une année marquée par des incendies majeurs et des tensions accrues sur l’eau, demande un engagement renforcé de l’État et de l’Union européenne.

Carole Delga dévoile la stratégie “Occitanie Résiliente”, un plan régional conçu pour renforcer la protection des territoires et anticiper les effets du changement climatique. (Photo Younès Hamma / Région Occitanie)

Carole Delga dévoile la stratégie “Occitanie Résiliente”, un plan régional conçu pour renforcer la protection des territoires et anticiper les effets du changement climatique. (Photo Younès Hamma / Région Occitanie)

L’Occitanie se retrouve aujourd’hui dans une position paradoxale : région dynamique, attractive, dotée d’un patrimoine agricole et industriel conséquent, elle est en même temps l’un des territoires français les plus exposés aux effets du changement climatique et aux inégalités territoriales.

Les incendies de l’été, la sécheresse historique qui touche les Pyrénées-Orientales et l’Aude, les inondations passées, la pression démographique qui s’intensifie avec 45 000 nouveaux habitants chaque année, ou encore les fractures sociales et territoriales, soulignent l’ampleur des défis. La région est, selon le rapport de la Chambre régionale des comptes, la plus exposée aux risques climatiques avec 277 millions d’euros de dommages assurés par an.

Cette vulnérabilité s’ajoute à d’autres fragilités : dépendance aux décisions étatiques, incertitudes géopolitiques qui affectent les filières locales, montée des populismes, pression sur le logement, difficultés d’accès aux services publics et au transport dans de nombreux territoires.

Carole Delga résume l’enjeu en une conviction claire : « anticiper plutôt que subir », rappelant que la transition écologique, économique et sociale se construit « dans les territoires, avec celles et ceux qui agissent chaque jour ».

Des atouts solides mais sous pression

L’Occitanie demeure néanmoins porteuse d’un potentiel remarquable. Première région agricole en nombre d’exploitations, première région bio de France, territoire leader dans plusieurs filières d’excellence, elle peut s’appuyer sur des dynamiques sectorielles fortes. Sa résistance à la désindustrialisation illustre cette vitalité : 8 % de croissance de l’emploi industriel entre 2015 et 2023, des implantations stratégiques comme Tekever à Cahors, Prodrone ou Cykero, et un niveau record d’investissement dans l’industrie et la R&D.

Mais ces atouts sont aujourd’hui soumis à des tensions croissantes. Le secteur touristique, qui pèse 10 % du PIB régional, est particulièrement vulnérable aux canicules et au stress hydrique. L’agriculture, pilier économique, doit affronter un déficit hydrique déjà estimé à 200 millions de m³, susceptible d’atteindre 1,2 milliard de m³ en 2050. Et sur le plan social, la pauvreté structurelle – 17,5 % – demeure supérieure à la moyenne nationale.

Un plan inédit : “Occitanie Résiliente”

Pour répondre à ces enjeux, la Région adopte une stratégie structurée autour de trois axes majeurs : protéger les populations et les milieux naturels, anticiper les transformations économiques et climatiques, et transformer durablement le modèle régional.

Cette feuille de route, étalée sur dix ans, sera déclinée en neuf plans sectoriels couvrant l’eau, l’énergie décarbonée, les mobilités, la souveraineté alimentaire, la biodiversité, la réindustrialisation, le numérique, la lutte contre les déterminismes et le tourisme.

Carole Delga précise que cette ambition repose sur « une gouvernance partagée, fondée sur la coopération, la concertation et la transparence ». Elle insiste sur la nécessité d’un pacte rénové entre État, Europe et collectivités, rappelant que « 50 à 70 % des politiques d’adaptation se joueront dans les territoires », selon le GIEC.

Un investissement massif et un appel à la solidarité nationale

L’Ambition Occitanie Résiliente représente un besoin financier estimé à 14,5 milliards d’euros entre 2026 et 2035. Sur cette enveloppe, 4,6 milliards d’euros sont demandés à l’État, 5,3 milliards à l’Union européenne, et 2 milliards seront mobilisés par la Région, avec 2,6 milliards provenant d’autres cofinanceurs.

Cette demande tient à une réalité : l’Occitanie considère être sous-dotée, malgré des enjeux plus élevés que dans d’autres régions. Les investissements nationaux dans les mobilités restent inférieurs à la moyenne ; Toulouse demeure l’une des rares grandes métropoles françaises à ne pas disposer de LGV ; l’industrie bénéficie de faibles retombées du plan France 2030 ; et le système Neste accuse un déficit d’entretien estimé à 4,5 millions d’euros par an.

Réindustrialiser l’Occitanie et former aux métiers d’avenir

La Région ambitionne de poursuivre sa dynamique industrielle en accompagnant les entreprises vers la décarbonation, l’innovation et la souveraineté productive. Les objectifs sont clairs : plus de 50 000 emplois verts, 100 jeunes entreprises industrielles innovantes, 20 nouvelles ETI, ou encore 4 % du PIB régional dédiés à la R&D.

Un nouveau dispositif, Occitanie, Terre des nouvelles industries, permettra d’accompagner les Territoires d’industrie via AD’OCC et la future Agence des Transitions. Les entreprises stratégiques sélectionnées accéderont, en priorité, au Fonds souverain régional, afin de renforcer leur ancrage dans les territoires.

Préparer les habitants aux conséquences du dérèglement climatique

L’Occitanie pourrait connaître une hausse moyenne de température de +2,8 °C en 2050, et jusqu’à +4,2 °C en 2100, avec une multiplication des phénomènes extrêmes. Le nombre de journées à risque d’incendie augmentera, tout comme la durée des sécheresses des sols qui pourrait passer de 100 à 127 jours en 2050.

Pour répondre à ces défis, la Région renforce ses actions : développement d’un réseau hydraulique élargi, réhabilitation d’ouvrages d’eau, sécurisation des ressources, candidature au programme européen LIFE, appui aux sites Natura 2000 et aux Réserves naturelles régionales.

Un plaidoyer pour une Europe plus proche des territoires

La Région appelle à une reprogrammation européenne qui tienne compte des spécificités méditerranéennes. Elle souhaite une meilleure orientation des fonds vers l’eau, l’énergie, l’innovation ou la biodiversité, ainsi qu’un assouplissement des règles pour déployer des infrastructures d’adaptation plus rapidement.

Carole Delga résume cet enjeu : « la contrainte budgétaire ne doit pas nous condamner à renoncer. L’Occitanie doit disposer des moyens à la hauteur de sa situation exceptionnelle. »

Avec Occitanie Résiliente, la Région entend bâtir un modèle capable de conjuguer développement durable, justice sociale, souveraineté économique et protection de l’environnement. Un modèle pensé sur le long terme, fondé sur la coopération locale, et dont le succès dépendra des engagements financiers nationaux et européens. En toile de fond, la présidente rappelle son ambition : « construire une région juste, résiliente et fière de ses valeurs, au service de ses habitants. »

A lire aussi