Installée à Bessan, dans l’Hérault, la jeune pousse SAO Textile s’apprête à franchir une nouvelle étape de son développement. Fondée par Marine Olacia, la startup transforme les filets de pêche usagés en fil recyclé destiné à l’industrie textile. Avec pour horizon 2026 le lancement de ses premières bobines, l’entreprise ambitionne aussi de faire émerger un modèle de production circulaire et relocalisé, en faveur d’une industrie textile plus durable.
Marine Olacia, fondatrice de la startup SAO Textile. (Photo Agence MKF)
À 38 ans, Marine Olacia s’est lancée dans une aventure industrielle aux frontières de la mer, de la mode et de l’impact environnemental. Ancienne styliste pour des enseignes de luxe et de fast-fashion telles que Roxy, Volcom ou Bershka, elle a fondé SAO Textile début 2023 à Bessan, entre Béziers et Sète, avec un objectif précis : donner une seconde vie aux filets de pêche usagés. Un projet qui s’enracine dans ses engagements personnels, renforcés par une expérience marquante au Bangladesh et son implication auprès de l’ONG Project Rescue Ocean.
« Aucune filière française ne recycle les filets utilisés pour la pêche au thon, ces sennes en polyamide pourtant très présents sur nos côtes. En créant SAO Textile, j’ai voulu proposer une solution concrète, locale et circulaire », explique-t-elle. Un engagement qui s’aligne pleinement avec l’année thématique 2025 placée sous le signe de « La Mer en Commun ».
De Bessan à la relocalisation textile française
Actuellement incubée chez Gigamed, l’entreprise se positionne comme l’une des rares initiatives françaises à valoriser un déchet marin complexe. Son processus s’articule en plusieurs étapes : collecte des filets auprès de pêcheurs, transformation en granulés, puis production de fil polyamide 100 % recyclé. À terme, ce fil pourra être utilisé pour des vêtements techniques, du prêt-à-porter, des textiles automobiles ou encore des supports publicitaires.
Le potentiel est significatif. « Avec un kilo de filets, nous obtenons vingt kilomètres de fil, soit l’équivalent de sept tee-shirts techniques », précise Marine Olacia.
Un premier prototype de tee-shirt a d’ailleurs été réalisé après des essais en laboratoire jugés très prometteurs. Aujourd’hui, quatre armateurs d’Occitanie situés à Agde, Sète et Port-Vendres collaborent avec la startup, qui dispose d’un stock de 150 tonnes de filets à recycler.
Une levée de fonds pour industrialiser
L’année 2025 marque un tournant pour SAO Textile. L’entreprise prépare une levée de fonds afin de lancer la phase d’industrialisation de sa production et d’initier la commercialisation de ses bobines de fil début 2026. Un poste de collecte des déchets auprès des pêcheurs sera également créé sur le site de Bessan pour renforcer la proximité avec les acteurs de terrain.
En parallèle, Marine Olacia souhaite constituer un réseau de partenaires industriels français pour garantir une production locale et cohérente avec ses valeurs. Plusieurs marques, notamment dans les secteurs du luxe et du sport, ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour ce fil innovant.
« Tout le processus sera réalisé en France. C’est une manière concrète de relocaliser une partie de l’industrie textile tout en agissant pour l’environnement », souligne-t-elle.
Préserver les fonds marins, une nécessité écologique
La mission de SAO Textile dépasse la seule sphère industrielle. Elle s’inscrit dans une dynamique environnementale urgente : selon le WWF, les filets de pêche représentent 640 000 tonnes de déchets plastiques chaque année dans les océans, soit près de 10 % de la pollution plastique sous-marine. Pour la France, cela correspond à 1 000 tonnes par an. Constitués de matériaux synthétiques résistants, ces filets peuvent mettre jusqu’à 600 ans à se décomposer.
Sébastien Fortassier, pêcheur à Agde, témoigne : « après avoir réparé nos filets, il n’existe pas de solution pour leur fin de vie. SAO Textile est aujourd’hui la seule alternative de proximité à la déchetterie. » Le constat est sans appel, et la réponse apportée par la startup est à la fois écologique et industrielle.
Inspirée par la figure mythologique de la néréide Sao, protectrice des marins, SAO Textile entend bien défendre les océans tout en retissant les mailles d’une industrie textile plus vertueuse. (Photo Agence MKF)
Vers une marque textile responsable
Si SAO Textile se concentre d’abord sur la vente de fil recyclé à des marques engagées, la fondatrice n’exclut pas de lancer à moyen terme sa propre collection de vêtements techniques recyclés. D’ici 2030, l’ambition est claire : devenir la référence nationale du textile éco-conçu issu de déchets marins. Une manière d’associer performance technique, durabilité et relocalisation.
Ce positionnement singulier bénéficie du soutien de plusieurs structures régionales majeures telles que Blue (agence d’attractivité économique), le Syndicat Mixte du Bassin de Thau, la French Tech Méditerranée ou encore Bpifrance.
Une entrepreneuse engagée et récompensée
Distinguée en 2022 lors du concours Climate Launchpad France, Marine Olacia a également été mise à l’honneur en 2024 parmi les « 101 Femmes de Matignon ». Son parcours a été relayé dans des productions médiatiques telles que le documentaire Fast Fashion – Les dessous de la mode à bas prix diffusé sur Arte, ou dans le podcast Nouveau Modèle.
Pour cette entrepreneuse, agir à la source, au plus près du déchet, est une évidence. Membre de 1% for the Planet, SAO Textile reverse 1 % de ses bénéfices à des ONG. L’entreprise mène également des actions de sensibilisation sur les enjeux du recyclage, de la pollution marine et de l’impact de la filière textile.