Christine Bardinet : "Le potentiel de croissance ne remplace pas les réformes structurelles"

Alors que le gouverneur de la Banque de France a publié sa traditionnelle Lettre au président de la République, Christine Bardinet, la directrice de l'institution en Occitanie, évoque la situation économique dans la région et les 25 ans de l'Euro.

Christine Bardinet, la directrice de la Banque de France en Occitanie (en compagnie de Jean-Marc Serrot, son adjoint) a évoqué les 25 ans de l'Euro et les sujets d'actualité économique en France et en Occitanie. (Photo : Anthony Assémat - Entreprises Occitanie)

Christine Bardinet, la directrice de la Banque de France en Occitanie (en compagnie de Jean-Marc Serrot, son adjoint) a évoqué les 25 ans de l'Euro et les sujets d'actualité économique en France et en Occitanie. (Photo : Anthony Assémat - Entreprises Occitanie)

Le 21 avril 2024, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a publié sa traditionnelle Lettre annuelle au président de la République, Emmanuel Macron. Le thème de cette année : "La France et l'Europe : de la gestion des crises à une ambition de plus long terme". "Cette Lettre se situe dans un tempo particulier : celui des 25 ans de l'Union monétaire et d'élections européennes cette année. De plus, nous sortons progressivement de la crise inflationniste qui a marqué nos économies et nos concitoyens depuis l'invasion russe de l'Ukraine, et nous retrouvons les défis de fond de la croissance européenne. Dans un monde plus fragmenté, plus dur, la souveraineté économique européenne passe par la combinaison de trois leviers partagés : la taille, multipliée par la puissance financière, multipliée par l'efficacité publique", détaille notamment l'institution.

Dans le contexte des 25 ans de l'euro

Les 25 ans de l'euro ont engendré "une grosse progression du pouvoir d'achat en France, plus que la moyenne de la zone euro et ce malgré la crise financière, la crise de la dette souveraine et celle du Covid. De plus, le taux de chômage a baissé depuis dix ans", pointe Christine Bardinet, la directrice régionale de la Banque de France Occitanie.

Trois défis majeurs

La Banque de France a ciblé trois défis majeurs pour l'Europe : le travail, le numérique et le climat. Mais la France et l'Europe avancent dans ces "transformations majeures" avec certaines faiblesses... Christine Bardinet précise :

"On observe une érosion de la compétitivité en France, avec l'endettement le plus important de la zone euro à 111% du PIB, soit 20 points de PIB de plus que la moyenne de la zone euro. Il faudra retrouver de la productivité du travail ! De plus, les entreprises se financent surtout avec la dette et avec peu de fonds propres. Face aux Etats-Unis, par exemple, nous connaissons un déficit d'innovation et seulement la moitié des 300 milliards d'euros d'épargne, en Europe, est investie. Cette épargne ne va pas au bon endroit et pourrait financer une bonne part des investissements verts et numériques. Sur les marchés américains, la capitalisation boursière est plus importante".

"La France décroche de la zone euro"

Pour Christine Bardinet, c'est clair : "Sur la stratégie budgétaire, la France décroche de la zone euro. Les autres pays ont fait des réformes structurelles de suite après le Covid. Le coût de l'intérêt de la dette sera de 58 milliards d'euros en 2024, et prévoit de grimper à 80 milliards en 2027. C'est plus que le budget de l'Education nationale. Il y a véritablement un enjeu de priorisation des dépenses. Le potentiel de croissance ne peut remplacer les réformes structurelles".

Quelle sera la météo économique en 2024 en Occitanie ? Christine Bardinet table sur un retour de l'inflation aux alentours des 2% pour fin 2025-début 2026. Il y a un an, à la même époque, elle se montrait combative : « On va vaincre l’inflation et on en a les moyens ! », expliquait-elle. "La Banque de France confirme son engagement : nous allons ramener l’inflation à 2% d’ici au plus tard 2025", dit-elle aujourd'hui. Au mois de mars 2024, la décrue de l'inflation s'est poursuivie, pour descendre à 2,4%.

Le chômage va remonter en Occitanie

Le taux de chômage devrait remonter jusqu'à la fin de l'année, sachant que l'Occitanie connaît toujours des chiffres plus importants que sur le plan national, de 1,3 à 1,5%. "Les CDI vont se stabiliser dans la région et les salaires réels vont se situer au-dessus de l'inflation. Le pouvoir d'achat se régénère, ça va dans le bon sens", poursuit Christine Bardinet.

Le surendettement explose

Néanmoins, le nombre de dossiers de surendettement explose en Occitanie, avec une hausse de 30% depuis janvier 2024 et de 19% sur le premier trimestre (+22% en Haute-Garonne). 3300 dossiers ont ainsi été déposés, dont 1100 au mois de mars. "Il existe un effet rattrapage d'après-Covid. On recense beaucoup de mesures d'étalement des dettes et la composante principale des dossiers de surendettement reste les crédits à la consommation", conclut Christine Bardinet.

Les tendances de l'économie en Occitanie en mars 2024
En mars 2024, l’activité régionale a été de nouveau plus soutenue qu’au niveau national. La croissance de la production industrielle a cependant ralenti. L’activité des services marchands et du bâtiment est restée dynamique, hormis la filière informatique et le gros œuvre du bâtiment qui se sont inscrits en baisse. 
Les effectifs ont été renforcés dans l’industrie et les services marchands et sont inchangés dans le bâtiment. La Banque de France Occitanie détaille : "Alors que les prix des composants industriels ont légèrement baissé, les prix de vente dans l’industrie sont restés stables. Dans la construction, les prix des devis ont significativement augmenté dans les travaux publics, ils sont demeurés stables dans le second œuvre et ont légèrement baissé dans le gros œuvre. Dans les services marchands, les prix ont été revalorisés, et de manière plus marquée dans l’hébergement et l’informatique. Les trésoreries se sont maintenues à l’équilibre dans les services marchands et se sont quelque peu renforcées dans l’industrie". 
S’agissant des travaux publics, l’activité sur le trimestre passé a été soutenue et le resterait sur les prochains mois avec de nombreux recrutements attendus.

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