Dans un climat politique et budgétaire chahuté, le Medef Haute-Garonne a réuni les branches économiques, le 11 septembre à La Cité des Formations et des Apprentissages Toulouse-Blagnac pour une conférence de presse de rentrée. À l’agenda : un état des lieux sectoriel sans fard — BTP, industrie, numérique, hôtellerie-restauration, propreté, transports — et un cap assumé, avec les priorités du « Front économique » porté à la REF 2025. Objectif affiché : peser dans le débat public local et national en vue des échéances municipales, avec des mesures ciblées sur la compétitivité, l’emploi et les compétences.

Le président du Medef Haute-Garonne, Pierre-Olivier Nau, était entouré des représentants des principales branches professionnelles du département, venus détailler « signaux forts et signaux faibles » de la conjoncture et formuler leurs priorités pour la période à venir. (Photo Dorian Alinaghi Entreprises Occitanie)
D’emblée, le ton a été donné : « La rentrée 2025 s’inscrit dans un climat délétère, marqué par une instabilité politique persistante, des incertitudes budgétaires et une croissance modérée. Ce contexte rend crucial le rôle des acteurs économiques locaux pour anticiper les défis et proposer des solutions concrètes », a déclaré Pierre-Olivier Nau, président du Medef Haute-Garonne, en rappelant que l’organisation entend « être force de propositions » auprès des candidats aux prochaines municipales.
Au fil des interventions, un même fil rouge est revenu : la nécessité de visibilité réglementaire et fiscale pour restaurer la confiance, relancer l’investissement et sécuriser l’alternance. « Ce qui est demandé, ce ne sont pas des aides, mais de la stabilité et de la visibilité », a insisté Mathieu Roudié, président de la Fédération du BTP de la Haute-Garonne résumant un sentiment partagé par l’ensemble des branches.
BTP : plancher historique dans le logement neuf, essoufflement de la rénovation énergétique
Le bâtiment a livré un diagnostic sans détour. Le marché repose grosso modo pour 44 % sur le neuf et pour 56 % sur la rénovation. Dans le neuf, le logement représente à lui seul l’essentiel de l’activité, mais les niveaux observés restent historiquement bas : autour de 7 000 logements produits après un bref sursaut en 2024 (+32 % sur une base 2023 très déprimée), dopé en fin de cycle par des achats en bloc des bailleurs sociaux — un effet jugé non reproductible en 2025. Le premier semestre s’est d’ailleurs inscrit en baisse (-15 %), et l’atterrissage annuel est attendu sous le seuil des 7 000 unités.
Dans ce tableau assombri, une éclaircie apparaît du côté de la maison individuelle, aidée par le rétablissement du PTZ et la détente des taux, avec un frémissement estimé à +5 %. À l’échelle nationale, le Ministère de la Transition écologique a rappelé un besoin de l’ordre de 450 000 logements par an d’ici 2030 quand la production glisserait cette année vers 300 000, voire en dessous l’an prochain — un écart qui nourrit mécaniquement la pénurie sur les territoires dynamiques. En Haute-Garonne, environ 60 000 demandes sont en file d’attente chez les bailleurs, symptôme d’un parcours résidentiel « grippé ».
Le « hors logement » est décrit comme étale, avec un sérieux trou d’air sur l’investissement public local face à l’incertitude budgétaire des collectivités. Côté rénovation, l’ensemble reculerait légèrement (-1 à -2 %), tandis que la rénovation énergétique — appelée à être un vrai relais — dévisse d’environ 50 % après une série de stop-and-go et de changements de règles, de MaPrimeRénov’ aux tarifs de rachat photovoltaïque. « La confiance, c’est le sous-jacent de tout ; sans stabilité, impossible d’engager les embauches et les investissements », a rappelé Mathieu Roudié.
Industrie : l’aéronautique tire la loco, mais les marges restent sous pression
La branche métallurgie a mis en garde contre une croissance « fragile », dopée par une reconstitution de stocks et surtout par l’aéronautique-défense, quand d’autres filières — automobile, sidérurgie — subissent un environnement commercial et douanier plus heurté. En Occitanie, le chiffre d’affaires industriel a progressé d’environ 2 % en 2024, portée par l’aéronautique ; En Haute-Garonne, la branche industrielle signale une hausse d’environ +4,5 % au 2e trimestre 2024, portée par l’aéronautique autour de +6 %, mais avec des marges contraintes qui freinent l’investissement. Dans un contexte où le chômage régional reste élevé (environ 8,8 %), la demande récurrente porte sur stabilité fiscale et visibilité réglementaire pour planifier sur le moyen terme.
Numérique : l’IA accélère la transformation, l’alternance recule
Dans le numérique, les éditeurs de logiciels gardent le cap avec une croissance estimée autour de 8 %, quand les ESN/SSII affrontent une décrue ou une stagnation, pénalisées par des reports de projets chez les grands donneurs d’ordre. La bascule IA redistribue les cartes : certaines tâches de développement sont automatisées, mais les besoins explosent en cybersécurité, data et architecture. Signal d’alerte sur le vivier : les contrats en alternance ont reculé d’environ 24 % sur un an, et les offres d’emploi recensées par France Travail en Occitanie ont suivi une trajectoire similaire, ce qui pourrait créer un « trou de compétences » dans deux à trois ans si la tendance se prolonge.
Hôtellerie-restauration-tourisme : fréquentation plus faible, additions en retrait, PGE à rembourser
Le tourisme a glissé des hôtels vers les campings, plus résilients, tandis que la restauration encaisse un double choc de fréquentation et de ticket moyen. Au plan national, la branche évoque une baisse d’environ 20 % du chiffre d’affaires, sur fond d’arbitrages des ménages et de quatre années d’augmentation des charges cumulées d’environ 20 % (salaires, énergie, matières premières).Sur le terrain, fréquentation et ticket moyen sont sous pression, avec des trésoreries entamées par les remboursements de PGE et une tension RH persistante. Les représentants alertent surtout sur la hausse des défaillances observée depuis l’an dernier et sur la nécessité d’un environnement plus prévisible pour relancer l’investissement et l’emploi. La profession plaide pour des mesures d’attractivité (alternance, logement des salariés) et une fiscalité plus lisible.
Propreté : 600 000 emplois, un « grand invisible » bousculé par les charges
La propreté rappelle le poids d’un secteur constitué majoritairement de TPE-PME : environ 15 500 entreprises en France pour près de 600 000 emplois, avec, rien qu’en Occitanie, environ 1 500 postes ouverts non pourvus. Les allégements de charges et leur recalibrage pèsent sur des marges structurellement faibles, malgré des hausses de salaires importantes ces dernières années (ordre de grandeur mentionné : +17 % en quatre ans, amenant des rémunérations en moyenne au-dessus du Smic). L’alternance et la formation — y compris l’apprentissage du français pour favoriser l’insertion — sont pointées comme leviers majeurs, à stabiliser dans la durée.
Transports-logistique : trajectoire carbone et modèle économique à clarifier
Dans les transports routiers, la photographie régionale évoque environ 65 000 emplois en Occitanie, dont près de 13 000 sur la métropole toulousaine, et quelque 3 500 entreprises à l’échelle régionale (environ 900 en Haute-Garonne). Le secteur souffre d’une érosion des prix liée à des pratiques de marché tendues, de tâches non rémunérées qui grèvent les temps de tournée et d’un mur d’investissements sur la transition énergétique. La perspective d’une extinction progressive du remboursement partiel de la TICPE, sans alternatives technologiques compétitives et sans infrastructures suffisantes, nourrit l’incertitude. Là aussi, la visibilité est devenue un prérequis pour investir et se décarboner sans casser l’outil de travail.
Commerce : baromètre du moral, modèle sous tension
Le commerce de proximité reflète le fléchissement de la consommation, avec une fréquentation plus irrégulière et un panier moyen qui s’érode, sur fond de concurrence du e-commerce. Les trésoreries restent fragilisées par les remboursements de PGE, des loyers et pas-de-porte élevés, ainsi que des délais de paiement qui s’allongent. « La relance passera par la confiance : ce qui est demandé, ce n’est pas des aides, mais de la stabilité et de la visibilité », précise Guillaume Duval, président de la fédération des associations des commerçants, artisans et professionnels de Toulouse. Il appelle à sécuriser l’alternance et la formation, clarifier les règles et tester des solutions immobilières plus souples en centre-ville pour relancer l’investissement et l’emploi.
Le « Front économique » comme boussole
En clôture, le Medef Haute-Garonne a réaffirmé son intention de relayer localement les priorités défendues au sein du « Front économique ». Parmi elles, une trajectoire de réduction nette de l’emploi public (avec recentrage du statut à vie sur les missions régaliennes), un allègement des impôts de production, une facilitation des heures supplémentaires et un plan massif de compétences avec 300 000 personnes formées chaque année à l’IA pour viser 20 % de gains de productivité sur dix ans. L’ensemble est chiffré par ses promoteurs à 230 milliards d’euros d’économies potentielles à terme.
« L’aide à l’apprentissage n’est pas une dépense mais un investissement », a-t-il été martelé, alors que la sécurisation des parcours en alternance a jalonné toutes les prises de parole.
